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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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Cosette des griffes du malheur et, fier de sa responsabilité, entraîna la gamine quai de l’Horloge.
    — Tu es libre.
    Interloquée, Yvette balbutia :
    — C’est… c’est papa qui vous envoie ?
    Elle clignait des yeux, blessée par la lumière, en serrant nerveusement les pans de son paletot. Joseph se souvint de ses deux visites à la cité Doré. Mieux valait taire à la fillette que son père demeurait introuvable.
    — Non, c’est mon patron, M. Legris. Tu le connais, il a pris des photos de toi.
    — Ah oui, le monsieur avec sa belle boîte. Il est gentil. J’ai eu tellement peur ! Ils m’ont traitée de graine de pavé. Je les ai suppliés de me laisser partir parce que papa allait se tourmenter. Ils m’ont obligée à grimper dans la voiture où il y avait des hommes à l’air mauvais et des femmes…. comme la mère Cloporte qui accoste les messieurs sur le boulevard. J’ai passé la nuit au dortoir, j’avais froid, une grande fille a voulu que je dorme près d’elle pour qu’on se tienne chaud, j’ai pas voulu, alors elle m’a tiré les cheveux et m’a dit des gros mots, je voulais mourir.
    Un bref sanglot la secoua mais elle ne versa pas de larmes. Joseph, en revanche, essuya discrètement ses paupières humides et marmonna :
    — Les salauds !… Es-tu allée à l’école ?
    — Il ne faut pas croire que d’aller à l’école ça rend convenable ! Ainsi, tenez, la grande fille qui a été amenée avec moi, elle a volé son patron. Moi je ne volerai jamais, on a son genre.
    — Tu ne sais ni lire ni écrire ?
    — Je sais lire un peu. Papa a des cahiers à la maison. C’est bête, hein, je me suis fait pincer pour un sou, la dame n’a pas voulu les épingles qu’elle m’avait payées, un flic a tout vu, et voilà ! Si j’avais su, je l’aurais refusé, le sou.
    Joseph poussa la gamine dans un fiacre.
    — Je te conduis chez M. Legris et Mlle Tasha, tu vas manger et te reposer, tu verras, ils te consoleront. Ah, je t’en ficherai, moi, de la justice !
     
    Respirer posément et réfléchir, surtout réfléchir. Finalement, Victor s’était apaisé. Ce n’était pas la première fois qu’il soupçonnait Tasha. Or son penchant à la suspicion l’avait jusqu’ici toujours égaré, puisque aucun des hommes qu’elle fréquentait ne s’était révélé être un rival. Tasha l’aimait, il en était certain. Donc, à supposer qu’un ami étranger fût à Paris, quoi de plus naturel que de dissimuler sa lettre afin d’éviter une crise de jalousie ?
    « Dissimuler ? Non. Elle aurait choisi une meilleure cachette que la taie de l’oreiller témoin de nos ébats. »
    Lorsque Joseph frappa, Victor avait recouvré son calme C’est avec le sourire qu’il accueillit Yvette.
    — Content de vous revoir, mademoiselle. Joseph, rentrez rue des Saints-Pères. Vous direz à Kenji que j’avais besoin de vous et que j’arrive. Merci de vos efforts, vous avez mené l’opération tambour battant.
    — C’est bien naturel. Elle est gelée, elle a sommeil, cette gosse. Ah, la justice, patron ! Une mécanique aveugle qui vous rafle dans la rue, pêle-mêle, les sans-logis, les vieillards, les mômes, les voleurs et les assassins !… Mlle Tasha est absente ?
    — Oui, elle est… à Barbizon.
    De nouveau, un doute affreux s’empara de Victor. Et si elle n’y était pas ? Si elle avait inventé cette histoire d’expo pour rejoindre un homme ? Comment savoir ? Un nom s’imposa, un nom exécré, mais il faudrait en passer par là. Demain il irait bavarder avec Maurice Laumier.
    Le départ de Joseph le ramena à la réalité.
    — Tu as faim ? demanda-t-il à Yvette.
    — Euh… Oui, monsieur.
    — Le cabinet de toilette est à gauche, tu devrais te débarbouiller, lui conseilla-t-il d’un ton de gaieté forcée.
    Elle ne bougeait pas.
    — Et te peigner aussi.
    Émerveillée, elle n’osait toucher aux accessoires de toilette semés au petit bonheur sur la coiffeuse. Victor alla réchauffer la gibelotte de lapin mitonnée par Euphrosine. Il tira le guéridon près du poêle, le débarrassa d’un empilement de palettes et dressa un couvert. Immobile au seuil de l’atelier, Yvette s’extasia.
    — C’est beau ! C’est pareil à la gravure de la confiserie, rue de Bretagne.
    — Assieds-toi.
    Elle s’installa au bord de la chaise face à l’assiette fumante sans y plonger sa fourchette. Il s’éloigna et fit semblant de classer des

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