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Le secret des enfants rouges

Le secret des enfants rouges

Titel: Le secret des enfants rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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recoucha et resta immobile les yeux ouverts à contempler la verrière.
    Où étaient la plénitude et l’harmonie associées dans son idéal à la vie de couple ? Pouvait-on dire couple ? Deux appartements de chaque côté d’une cour, deux carrières…
    « Presque trois ans que nous nous aimons, et nous n’avons guère progressé… Et tu n’as guère progressé…» se dit-il en aplatissant son épi.
    Il se redressa, l’embrassa sur la tempe, la nuque, la gorge. À moitié alanguie, elle effleura son torse, sa jambe se glissa entre les siennes. Ils se laissèrent couler jusqu’au point de non-retour.
     
    — Jeune homme, vous avez une fâcheuse tendance à la procrastination ! aboya la comtesse de Salignac.
    « Qu’est-ce que c’est que ce délire ? Pourquoi la moukère me parle-t-elle de ma procréation ? » s’interrogea Joseph, occupé à bâcler le paquet de sa première cliente de la matinée.
    — Voilà une éternité que vous me promettez Le Roman d’un bas-bleu par George de Peyrebrune 1 , chez 0llendorff. L’espoir fait vivre ! Combien vous dois-je ?
    La comtesse de Salignac le dévisageait derrière son face-à-main. Elle se courba légèrement et examina le livre qu’il essayait de camoufler sous un journal.
    — Fenimore Cooper… Quand je pense que notre jeunesse se repaît de ces violences ! Et l’on s’étonne de la criminalité galopante ! jeta-t-elle, la bouche en bec de perroquet.
    Elle régla les Jules Mary 2 sur lesquels elle s’était rabattue, aussi furieuse qu’une victime de la rage, mal dont les journaux signalaient la recrudescence à Paris.
    — Bon vent, grogna Joseph qui déplia une fois de plus la lettre d’Iris.
    Très cher Joseph,
    Aurai-je le courage d’écrire mon bien-aimé ? Oui, vos baisers m’y autorisent. Considérez cette lettre comme un gage, par elle je vous suis promise, et serai à vous lorsque vous aurez réussi à convaincre mon père et à faire la preuve éclatante de votre talent. D’ici là, je vous jure fidélité…
    — Fidélité, murmura-t-il. C’est beau. Un peu trop sage, mais beau. Elle est timide… Quant à convaincre son père…
    Le visage sévère de Kenji se substitua à celui d’un Peau-Rouge qui brandissait un tomahawk sur la couverture bariolée du Dernier des Mohicans.
    Le carillon de l’entrée surprit Joseph, il mit la lettre dans sa poche et adopta un sourire commercial.
    — Je désire voir M. Kenji Mori, le propriétaire de cette librairie.
    L’homme, en pardessus croisé de laine noire, le melon enfoncé, des lunettes teintées sur les yeux, s’exprimait avec un mélange de force et de flegme. Troublé, Joseph se figurait avoir affaire à un représentant de la police des mœurs venu avertir Kenji que son commis compromettait la vertu de sa fille.
    — L’un des propriétaires, précisa-t-il. Son associé, M. Legris, ne va pas tarder, il arrive vers dix heures, c’est moi qui…
    — En ce cas je vais joindre M. Mori à son domicile, où habite-t-il ?
    — Dans l’immeuble mitoyen, numéro 18, seulement il est en voyage. Vous avez un message ?
    L’homme rajusta son melon d’un geste désinvolte, démenti par le froncement de ses sourcils.
    — C’est regrettable. Voici mon adresse, remettez-la-lui en le priant de me contacter. Quand sera-t-il de retour ?
    — Demain.
    L’homme griffonna rapidement au dos de sa carte de visite, déposa celle-ci sur le comptoir, et, sans un salut, gagna la sortie.
    — Il me prend pour qui, ce pékin ? marmonna Joseph. Un meuble ? Ah ! Ils verront, tous, le jour où j’égalerai le succès d’Émile Gaboriau !
    Il avait été déçu par la publication en feuilleton de L’Étrange Affaire des Ancolies 3 . Certes, grâce à lui, les tirages du Passe-partout avaient passablement augmenté, quoiqu’il n’en eût tiré ni fortune ni renommée. Selon Antonin Clusel, le directeur du journal, la parution d’un ou deux autres romans de la même farine serait nécessaire avant d’atteindre ce double but. « Alors, à votre plume, mon bon, et de la qualité ! »
    « Je voudrais l’y voir, lui, j’ai le bourrichon aussi desséché qu’un citron pressuré !
     
    Planté au milieu de la cour du 18, l’homme aux lunettes teintées considéra la concierge qui malmenait son balai, puis il leva les yeux vers les volets clos du premier étage d’une bâtisse qui en comportait quatre, et tourna casaque. D’un pas vif il descendit la rue des

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