Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Serpent de feu

Le Serpent de feu

Titel: Le Serpent de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fabrice Bourland
Vom Netzwerk:
m’interrompes dans mon travail de manière aussi éhontée.
    — Ton travail ? Ah, excuse-moi ! Je n’avais pas remarqué que tu étais en plein labeur !
    Faisant mine de n’avoir pas relevé le ton de raillerie de mon camarade, je serrai contre moi ma besace. Dans le feu de mon départ précipité, j’avais juste eu le temps de fourrer à l’intérieur deux des ouvrages que j’étais occupé à lire.
    — Tu te souviens de la mystérieuse société qui avait mandaté Ashley Kirkby 1 en 1898 pour entrer en relation avec Arthur Conan Doyle ? questionnai-je. L’auteur des Aventures de Sherlock Holmes a décrit cette mémorable rencontre au chapitre  XV de ses Mémoires.
    — Mouais, et alors ?
    — Eh bien, je suis parvenu tant bien que mal à rassembler des bribes d’informations sur cette confrérie. Arthur Machen, l’un des meilleurs écrivains de ce pays, en a fait partie au début de notre siècle. De même que le poète William Butler Yeats, qui a obtenu depuis le prix Nobel de littérature, l’actrice Florence Farr, maîtresse de George Bernard Shaw, Constance Wilde, l’épouse du grand Oscar, Algernon Blackwood, Sax Rohmer, le créateur de Fu Manchu, sans compter Aleister Crowley, dont la presse à scandales a amplement rapporté les frasques ces dernières années. Cette société s’appelait l’« Ordre hermétique de l’Aube dorée », et je donnerais cher pour savoir ce que tous ces brillants cerveaux manigançaient ensemble.
    — Ça nous fait une belle jambe ! Je te signale que ce ne sont pas tes investigations mystico-littéraires qui vont nous faire vivre. Nous tenons une agence de détectives et, à ce titre, nous sommes censés mener des enquêtes, des vraies, avec des crimes, des suspects et même, si ce n’est pas trop demander, des coupables en bonne et due forme. Au lieu de ça, tu végètes dans tes babouches, mon vieux. Montague Street ne te réussit guère en ce moment. Je dis qu’il est temps que tu te bouges un peu !
    Sur ce point, je ne pouvais donner tout à fait tort à James. Je traînais ces derniers temps une mélancolie dont j’avais le plus grand mal à me délivrer. Il n’est pas contestable que mon tempérament a toujours été assez enclin à la neurasthénie, mais je crois en la circonstance que la mort d’Alice 2 , survenue après une série d’événements on ne peut plus tragiques, le 7 décembre 1936, avait eu sur mon esprit des répercussions dont j’étais loin de mesurer l’ampleur.
    En particulier, je venais d’être la proie de plusieurs hallucinations étranges, prégnantes, déroutantes, totalement dépourvues de sens, mais qui m’avaient ébranlé au plus profond de mon être. Quelques-unes s’étaient produites durant mon sommeil, s’immisçant en plein milieu d’un songe avec lequel elles n’entretenaient aucune espèce de rapport, mais il était arrivé à trois ou quatre reprises qu’elles surviennent durant la journée, de manière subite et incontrôlée.
    Alice Grey était sujette à des visions obsédantes, qui la laissaient sans force et désemparée. C’était elle-même qui me l’avait confié. Étais-je en droit de supposer que la jeune femme m’avait, sur son lit de mort, transmis cette troublante faculté ? Ou bien l’émotion suscitée par sa disparition m’avait-elle affecté d’une manière singulière, rendant opérante une disposition de l’esprit que j’avais en moi depuis toujours et qui ne se révélait que maintenant ?
    Le mystère de ces hallucinations n’était pas étranger au fait que j’avais cherché récemment à renouer contact avec Ashley Kirkby. L’érudition qui était la sienne dans le domaine de l’Invisible, et qui nous avait sauvés naguère d’une situation ô combien périlleuse, aurait pu m’aider à y voir plus clair. Hélas, contraint de rallier le Continent pour quelques semaines, il s’était montré peu disert, et mon initiative n’avait eu pour résultat que de piquer à nouveau ma curiosité touchant son ancienne confrérie.
    — Allez, pas d’inquiétude ! J’ai pensé à mettre ton pyjama et ta brosse à dents dans le coffre à bagages. C’est l’affaire d’un ou deux jours. Nous serons largement rentrés pour les festivités.
    — Les festivités ? De toutes les façons, on aura du mal à y échapper. Les conversations ne roulent que sur ça. Même le bombardement de Guernica, en Espagne, ou l’explosion du zeppelin Hindenburg sont relégués au

Weitere Kostenlose Bücher