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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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: Veni, Vidi, Vici .
    Comme pour César.
    Desaix est mort à Marengo. « Allez dire au Premier consul que je meurs avec le regret de n’avoir pas assez fait pour vivre dans la postérité », a-t-il confié avant de succomber. Et Napoléon apprend que ce même jour, 14 juin, Kléber a été assassiné au Caire par un fanatique musulman.
    La mort pour les autres, la victoire pour moi .
     
    À deux heures du matin, le 2 juillet 1800, sa voiture entre dans la cour des Tuileries.

5.
    Ces cris d’abord lointains, puis qui s’amplifient, ces cris qui le réveillent sont ceux de la foule venue des faubourgs.
    Napoléon se lève, s’approche de la fenêtre. Des femmes se pressent contre les grilles des Tuileries. Elles se précipitent quand on les ouvre : « Vive le Premier consul ! Vive Bonaparte ! », hurlent-elles.
    Bourrienne entre. Depuis l’annonce de la victoire de Marengo, Paris est en fête, dit-il. Il faut se montrer. Napoléon se présente à la fenêtre de son cabinet de travail. Les cris redoublent, aigus.
    Il se souvient de ces journées de 1792, il y a huit ans. Il faisait beau comme ce matin, et le peuple enragé envahissait les Tuileries, en armes, avec des cris de mort.
    Napoléon se tourne vers Bourrienne.
    — Entendez-vous le bruit des acclamations ? commence-t-il.
    Puis, presque dans un murmure, comme s’il n’osait pas l’avouer, il ajoute :
    — Il est aussi doux pour moi que le son de la voix de Joséphine. Je suis heureux et fier d’être aimé d’un tel peuple.
    Le canon des Invalides commence à tonner à intervalles réguliers. Entre les explosions assourdissantes, on entend la musique de la garde consulaire qui joue dans les jardins, et les acclamations de la foule couvrent souvent le son des tambours et des cymbales.
     
    Les consuls, les ministres, les membres du Conseil d’État et ceux de l’Institut, les délégations des Assemblées se présentent les uns à la suite des autres. Napoléon les dévisage. Ils sont admiratifs et serviles. Combien d’entre eux ont trempé dans les intrigues ? Combien, après la réception d’un premier courrier annonçant que la bataille était perdue, à Marengo, se sont réjouis ? Mais il faut recouvrir d’un voile d’hypocrisie ces moments-là et n’en penser pas moins.
    — Citoyens, dit-il, nous revoià donc ! Eh bien, avez-vous fait du bon ouvrage depuis que je vous ai quittés ?
    — Pas autant que vous, Général.
    Il prend l’un ou l’autre par le bras, s’éloigne en sa compagnie.
    — Qu’auriez-vous fait si j’étais mort ? demande-t-il.
    Certains se récrient. D’autres avouent leur inquiétude durant ces quelques heures d’incertitude quant au sort de la bataille. Ils se dénoncent les uns les autres. Celui-là a pensé à pousser Carnot, qui est ministre de la Guerre. Roederer affirme qu’il aurait pressenti Joseph Bonaparte.
    Le 2 juillet se passe ainsi.
    Le soir, dans le long crépuscule, de sa fenêtre, Napoléon aperçoit les bâtiments illuminés. Une lueur s’élève vers le faubourg Saint-Antoine. On y a allumé des feux de joie. On y danse. Brusquement, après ces feux de joie, il se sent morose. Il aurait aimé que Giuseppina Grassini soit déjà arrivée à Paris. Il la recevra ici, dans un petit appartement d’entresol qu’il a fait aménager et qui se trouve au-dessus de l’appartement officiel.
    Cette conversation qu’il a eue avec Roederer l’a aussi irrité. Cet homme est prétentieux et parle sans tact. « Il y aurait plus de sécurité en France, a-t-il dit, si on voyait un héritier naturel à côté de vous. »
    Une fois encore, il a évoqué ma disparition .
    Il a fallu lui répéter : « Je n’ai point d’enfant. Je ne sens pas le besoin ni l’intérêt d’en avoir. Je n’ai point l’esprit de famille. Mon héritier naturel, c’est le peuple français. C’est là mon enfant. »
    Mais Roederer a continué de parler d’héritier, d’enfant, encore d’enfant.
    — C’est vide de sens, a dit Napoléon.
    Roederer, pas plus que les autres idéologues, n’a idée de ce que c’est que le gouvernement.
    « Il n’y a que moi qui par ma position le sache. Je suis dans la persuasion que personne autre que moi, fût-ce Louis XVIII, fût-ce Louis XIV, ne pourrait gouverner en ce moment la France. Si je péris, c’est un malheur. »
     
    Mais toute la soirée cette conversation est revenue, comme une gêne lancinante. Au matin du 3 juillet, elle a laissé des traces sur le visage de

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