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Le soleil d'Austerlitz

Le soleil d'Austerlitz

Titel: Le soleil d'Austerlitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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d’organisation. Il crée et modèle les institutions. Ici, il ouvre des routes, là, il décide l’obligation de créer des dépôts d’archives. Et conçoit la Banque de France. Entre deux décisions, il chasse parfois le renard autour de la Malmaison, mais sans passion.
    Il chevauche, rêveur, emporté par ses pensées.
    Il a déjà rétabli la sécurité dans le sud de la France, contre les brigands qui se disaient royalistes. Il continue de pacifier l’Ouest. Il faudrait faire la paix extérieure, celle que le peuple réclame. Reste l’Autriche, qui, à la fin juillet, a repoussé des propositions de paix, reste l’Angleterre, irréductible. Peut-être faudra-t-il reprendre la guerre.
    Mais, d’abord, il faut tenir ce que l’on a. De retour dans son cabinet, il écrit à Masséna, qui commande en Italie : « Il est nécessaire de faire des exemples. Le premier village du Piémont qui s’insurgera, faites-le livrer au pillage et brûler. »
    C’est la loi des armes.
    Si Louis XVI avait fait tirer au canon sur le peuple qui envahissait les Tuileries, il serait peut-être encore un roi. Mais les armes suffisent-elles à maintenir les hommes dans le rang ?
    Aux soldats, aux généraux héros de la bataille de Marengo, j’ai fait distribuer des distinctions, sabres, fusils, baguettes d’honneur. C’est eux, qu’on a célébrés .
    Mais le peuple ?
    Cette question le hante. Que valent les lois si les institutions établies depuis des siècles, et il a vécu cela, sont renversées par une vague énorme ?
    Il faudrait en parler, mais même les témoins en sont incapables. Sieyès, qui a tout vécu, n’est qu’un métaphysicien. Peut-être Roederer .
    Il dialogue avec Roederer dans le parc de la Malmaison.
    — La société ne peut exister sans l’inégalité des fortunes, dit Napoléon. Et l’inégalité des fortunes ne peut exister sans la religion.
    Il jette un coup d’oeil à Roederer.
    C’est un idéologue. Il n’aime pas le langage géométrique que j’emploie. Mes démonstrations dérangent ses arguties hypocrites .
    — Quand un homme meurt de faim à côté d’un autre qui regorge, reprend Napoléon, il lui est impossible d’accéder à cette différence s’il n’y a pas là une autorité qui lui dise : « Dieu le veut ainsi ; il faut qu’il y ait des pauvres et des riches dans le monde ; mais ensuite et pendant l’éternité le partage sera fait autrement. »
    Il sourit en voyant la grimace de Roederer. Il se souvient du temps où il tentait d’arracher un prix à l’académie de Lyon, en rêvant d’imiter Rousseau. À cette époque-là, Rousseau était l’un de ses maîtres à penser. Les hommes changent. Il a changé.
    — Il aurait mieux valu pour le repos de la France, murmure Napoléon, que Rousseau n’eût pas existé.
    — Et pourquoi, citoyen Consul ?
    — C’est lui qui a préparé la Révolution.
    — Je croyais que ce n’était pas à vous de vous plaindre de la Révolution.
    Napoléon fait quelques pas.
    — Peut-être eût-il mieux valu, pour le repos de la terre, que ni Rousseau ni moi n’eussions jamais existé !
    Mais je suis là, j’ai lu Rousseau, et je suis issu de la Révolution .
     
    Joséphine oublie cela.
    Elle reçoit les envoyés du comte d’Artois ou de Louis XVIII. La comtesse de Guiche, amie du comte d’Artois, invitée à déjeuner à la Malmaison, assure que les Bourbons, restaurés, feront de Napoléon leur connétable. Et bien des proches de Napoléon commencent à partager cette pensée d’un retour possible du roi, pour assurer l’avenir.
    Bourrienne lui-même l’avoue.
    — Que deviendrons-nous, dit-il, vous n’avez point d’enfants ?
    Marchant les mains derrière le dos, franchissant le petit pont qui sépare son cabinet de l’allée du parc de la Malmaison où il aime se promener, Napoléon, avec une sorte de lassitude, la tête penchée, explique.
    — Les Bourbons, dit-il, rentreraient en France quelles que soient leurs promesses, mus par la volonté de reconquérir tout leur héritage. Et les quatre-vingt mille émigrés qui les accompagneraient partageraient ce désir. « Quel serait alors le sort des régicides, des hommes qui se sont prononcés avec exaltation dans la Révolution ? Et les domaines nationaux, une foule de transactions passées depuis douze ans ? Êtes-vous homme, Bourrienne, à prévoir jusqu’où ira la réaction ?
    Napoléon, à pas lents, rentre dans son cabinet.
    — Je sais, dit-il, combien ces femmes,

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