Le spectre de la nouvelle lune
Tours et remis au Saxon le message de Childebrand, repartit vers Bourges où s’était installée la mission d’un cœur plus léger.
Le procès eut lieu une semaine plus tard. Auparavant les missi dominici avaient déjà arrêté des sanctions contre ceux qui avaient servi les « compagnons de la nouvelle lune ». Ils furent tous déclarés esclaves, ce qui ne changeait rien pour la plupart d’entre eux, conduits en convoi jusque dans les Vosges et là répartis sur différents domaines pour y être affectés à des travaux forestiers pénibles et dangereux. Les femmes qui avaient suivi la bande avaient été dirigées, avec leurs enfants, sur le Limousin et mises, comme esclaves, à la disposition de communautés religieuses en tant que domestiques ou aux champs. Quant à Agnès, Erwin avait obtenu qu’elle fût enfermée, demeurant toujours de statut libre, dans un couvent de bénédictines situé non loin de Tours, c’est-à-dire près de son frère.
Une foule nombreuse avait envahi la salle où siégeait le tribunal avant même que les débats ne commencent. L’assemblée judiciaire était présidée par le comte Childebrand et l’abbé Erwin assistés de sept scabins et du comte Sturbius, en présence de l’archevêque Ermembert. Devant elle comparurent les onze membres de la bande accusés de meurtres, rébellion, idolâtrie et sacrilège, et trois hommes sous l’inculpation de complicité : le novice du monastère Saint-Pierre qui ne pouvait se réclamer de l’état ecclésiastique et les deux miliciens appartenant à la viguerie de Mézières.
Débats et délibérations ne durèrent qu’une journée. Les onze rebelles furent condamnés à subir la question jusqu’à ce que mort s’ensuive, le novice et les deux miliciens à être pendus.
Pour les trois prêtres de l’archiprêtré de Mézières et les deux clercs du vicomté de Châteauroux qui étaient également poursuivis pour complicité, il fut décidé que l’avoué de l’archevêché les déférerait pour forfaiture et trahison devant le plaid du roi Louis, qui aurait à trancher d’autre part le sort du vicomte Farald. Le comte de Bourges Sturbius fut chargé de proposer le nom d’un homme de confiance pour la viguerie de Mézières, et l’archevêque Ermembert un clerc qualifié et loyal pour l’archiprêtré.
A l’issue des débats, après le prononcé de la sentence, le comte Sturbius lut une allocution qui, tout en soulignant la nécessaire rigueur des châtiments, mettait l’accent sur une mansuétude qui montrait la sollicitude de l’empereur Charles le Grand pour le peuple de ce pays, « sa volonté d’installer la paix dans le cœur et l’esprit de tous, pour la grandeur et la prospérité du royaume d’Aquitaine ». Erwin avait soigneusement pesé les termes de ce message dont il avait habilement confié la lecture au comte de Bourges.
Les sentences furent exécutées de nuit, le soir même, après que Doremus eut communiqué aux bourreaux un ordre du Saxon qui leur prescrivait de procéder à des mises à mort rapides. Cette injonction discrète était accompagnée d’une copieuse récompense.
La mission ne prolongea pas son séjour à Bourges au-delà du temps nécessaire pour consigner l’essentiel des débats et enregistrer les sentences. Erwin avait mis à profit ce délai de quelques jours pour rencontrer ceux qui avaient apporté leur aide aux missi dominici, comme Estève le forestier, lavé de tout soupçon, et comme Pétronille à qui, en présence du frère Antoine, il remit, pour récompenser ses services, un parchemin stipulant qu’elle était désormais sous la protection des représentants du souverain.
— Je vois, seigneur, dit-elle en recevant à genoux ce satisfecit, que tu n’as pas oublié ton humble servante, que tu ne crains pas de placer une magicienne sous ta sauvegarde.
— Mais non sans mise en garde ! répliqua-t-il. Que tu t’écartes, ne serait-ce qu’un instant, du chemin qui mène au Bien, celui qu’enseignent l’amour et le respect de Dieu dans l’adoration de la Sainte-Trinité, et c’en sera fait de toi !
Cependant, non sans prendre des risques, il envoya Rafanel en Brenne observer de quelle manière les sanctions et condamnations avaient été accueillies. Évidemment personne, personne ne s’y réjouissait que des hommes que l’on avait connus, parfois des voisins, voire des parents, aient péri au cours de combats ou aient été exécutés, que d’autres
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