Le temps des adieux
qu’il habitait avec son frère. Sans compter que ces ordures veulent peut-être régler le sort de Scythax aussi. On peut dire qu’on est vraiment dans la merde, Falco !
— La patrouille n’a pas pu le retenir, raconta Fusculus. Il s’est jeté sur le cadavre de son frère et il s’est couvert de sang lui aussi. Ça n’a pas été facile de le ramener ici. Et il n’a qu’une idée en tête : retourner au cabinet médical d’Alexandre.
Tous les hommes présents avaient le même air hagard. Le travail ne manquait pas, mais ils restaient assis les uns près des autres, comme incapables de réagir. Ils étaient pourtant habitués à la violence qu’ils rencontraient quotidiennement. C’était pourtant différent dans ce cas-là. La mort avait frappé à leur porte – conséquence directe de leur travail. Il ne fallait pas exclure la possibilité qu’un de ses patients ait sauvagement attaqué Alexandre au cours d’une crise de folie… Personne n’y croyait vraiment. Chacun était persuadé que ce meurtre avait un rapport direct avec l’erreur de diagnostic volontaire concernant Nonnius Albius.
Nous commençâmes par dire qu’il ne servirait à rien de nous rendre au cabinet médical d’Alexandre, du moins qu’il n’était pas nécessaire que tout le monde aille y fourrer son nez. Et pour finir, nous allâmes tous là-bas comme un seul homme. Petronius s’imposait comme une punition de voir ce que le pauvre médecin avait souffert. Son équipe pensait qu’étant donné les circonstances, il y allait de leur devoir de le suivre. Quant à moi, je les accompagnais pour la raison habituelle. Si on n’a pas examiné de ses propres yeux la scène d’un crime, on ne cesse de se répéter qu’un indice a pu échapper aux enquêteurs. Surtout à des enquêteurs que leurs liens avec la victime avaient tendance à rendre émotifs. Et nous avions sacrément besoin d’indices !
Le jeune Porcius fut le seul à ne pas pouvoir s’empêcher de vomir. Il était si bouleversé qu’il n’y avait pas d’autre solution que de le renvoyer au poste tenir compagnie à Scythax.
— Le chef en a pris un sacré coup, me murmura Martinus qui avait lui-même perdu toute son arrogance.
— Je l’ai jamais vu dans un tel état, renchérit Fusculus qui avait entendu ces paroles.
J’étais son ami, et ils voulaient tous me confier dans quel triste état se trouvait Petro. C’était complètement inutile. Je ne l’avais jamais vu en proie à une telle rage, sauf peut-être une fois, au cours de la rébellion de la Bretagne. Il avait cependant pris un certain nombre d’années depuis. Il connaissait donc davantage de mots grossiers et des façons plus cruelles de passer sa colère sur ses proches.
J’eus bien l’intention de l’emmener boire quelque chose, pendant un bref instant, mais j’y renonçai. Il aurait bu jusqu’à s’écrouler ivre mort.
Au milieu de l’après-midi, nous étions tous épuisés d’avoir interrogé le voisinage. Certains habitants étaient d’ailleurs allés se plaindre de nos méthodes brutales au bureau du préfet. Et tout cela sans aucun résultat concret. Personne n’avait rien vu ni entendu. Pas plus la nuit que le jour précédent. En réalité, ils ne voulaient pas entendre parler de cette histoire. Pas question de s’impliquer dans un meurtre aussi affreux. Ils étaient terrifiés.
Nous étions tous persuadés que le même gang avait disposé de Nonnius et d’Alexandre. Mais même quelque chose d’aussi évident, nous étions incapables de le prouver. D’autant moins qu’une victime avait été enlevée alors que l’autre était restée chez elle. Une était devenue célèbre en dénonçant son chef, l’autre était la discrétion même. Dans le second crime, le message paraissait moins clair, même si la sauvagerie avec laquelle il avait été commis était quasiment identique.
Les thermes ouvraient juste quand nous nous séparâmes. L’odeur de la fumée qui envahissait l’air humide d’octobre ajoutait à notre mélancolie. Nous n’avions pas progressé d’un iota et nous n’étions pas loin de croire que nous apprendrions d’autres crimes le lendemain matin. Le mal se propageait sans que nous puissions intervenir. Les voyous avaient pour l’instant tous les atouts en main.
Petronius avait donné l’ordre d’enlever le cadavre d’Alexandre en gardant un visage impassible. Il s’agissait cette fois de le livrer aux pompes funèbres. Il
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