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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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asile dans l'église, les habitants, sous la conduite du conseil paroissial, les avaient rattrapés dans le cimetière, l'arpent du bon Dieu, et les avaient abattus. Puis ils avaient dévêtu les cadavres et jeté les corps nus sur les marches de la croix du marché, prouvant ainsi leur loyauté à la maison d'York.
    Grand-mère Croul leva les yeux. Quelqu'un courait sur le sentier. Ses matous reculèrent. Le silence du soir déchiré, des oiseaux effrayés s'envolèrent d'un arbre. La vieille femme plissa les yeux et tendit l'oreille. Une silhouette sombre se dirigeait vers elle en trébuchant. Un enfant...
    —
    Qu'y a-t-il ? cria-t-elle.
    —
    Grand-mère Croul, grand-mère Croul, il faut que vous veniez, répondit un gamin hors d'haleine.
    —
    Venir? Pourquoi dois-je venir? s'enquit-elle en baissant les yeux sur l'apprenti du maréchal-ferrant. Ton maître a-t-il encore bu et s'est-il brûlé ?

    —
    Grand-mère Croul...
    L'enfant essuya son visage en sueur.
    La femme se pencha.
    —
    Tu as l'air d'un lutin issu de l'Enfer avec toute cette cendre sur ta figure et tes mains.
    —
    Maître Elias a une attaque ! Il est mourant !
    Aussi vite qu'elle le put, grand-mère Croul redescendit la sente en boitillant. Le gamin courait près d'elle tout en décrivant avec force détails comment Elias se trouvait à sa forge, fournaise ardente. Il avait pris un pichet d'eau, avait bu quelques lampées et en avait recraché quand, soudain, il avait poussé un horrible cri et était tombé sur le sol comme une pierre.
    —
    Il tremblait et sautait ! On aurait dit une mouche sur un plat chaud !
    Il avait les yeux retournés et de l'écume blanche aux lèvres ! expliqua le garçon en battant des bras et en agitant la tête en tous sens pour imiter le forgeron.
    Ils arrivèrent dans la grand-rue, large voie pavée bordée de maisons des deux côtés. Des gens se pressaient à l'angle de Carters Lane, qui menait à la forge d'Elias, à deux portées de flèche de l'église. Grand-mère Croul, frappant le sol de sa canne, se fraya un chemin, descendit la ruelle et entra dans la cour, derrière la maison de pierre du maréchal-ferrant. L'air chaud sentait la sueur, l'urine, le charbon et le crin brûlé. Mais elle ne pouvait plus rien pour Elias. Il était étendu par terre. Isabella, son épouse, agenouillée près de lui, se balançait d'avant en arrière comme si elle priait. A la lueur mourante du feu de la forge, les muscles du visage d'Elias semblaient durcis ; ses yeux, au blanc luisant comme ceux d'un aveugle, étaient révulsés, une salive blanchâtre souillait sa moustache et sa barbe, sa langue était serrée entre ses dents. Grand- mère Croul tâta la figure et les bras ; ils étaient complètement rigides.
    —
    Est-ce une crise ? interrogea l'apprenti.
    La vieille femme appuya sa main contre le cou du forgeron mais ne put sentir le pouls. Elle demanda au gamin, qui s'empressa de le lui apporter, le pichet d'eau. Elle le porta à son nez et eut un haut-le-cœur devant l'odeur âcre.
    —
    D'où provient cette eau ? demanda-t-elle.
    L'enfant désigna le gros tonneau au fond de la cour.
    Grand-mère Croul regarda autour d'elle, ramassa une hache et se tourna vers les hommes qui l'avaient suivie dans la cour.
    — Défoncez cette barrique ! cria-t-elle.
    —
    Pourquoi ? Que se passe-t-il ? s'exclama la femme du forgeron.
    —
    Défoncez-la ! répéta grand-mère Croul. Que Dieu me pardonne, Maîtresse, dit-elle en tapotant l'épaule d'Isabella, mais je crois que votre mari a été empoisonné.
    Des protestations incrédules accueillirent sa déclaration.
    — Empoisonné ?
    Chope en main, Adam l'apothicaire s'avança dans la flaque de lumière.
    — Qu'est-ce qui vous permet de l'affirmer ?
    Adam et la sage-femme ne s'aimaient guère.

    —
    Je sais reconnaître les effets de la belladone, rétorqua cette dernière. Et si vous ne me croyez pas, pourquoi ne pas boire cette eau vous-même ?
    — Mais qui l'y aurait versée ? questionna le gamin.
    Grand-mère Croul se releva et se dirigea vers le tonneau. La lumière chiche l'obligea à se pencher. Elle ne détecta rien à travers le couvercle grillagé, mais, à vrai dire, tant d'odeurs s'élevaient des flaques d'urine et des tas d'ordures de la cour...
    — Petit ! appela-t-elle.
    L'apprenti se précipita.
    — Qui a rempli le pichet ?
    — Moi, Maîtresse, répondit-il.
    — Et tu le lui as apporté ?
    — Oui, mon maître l'attendait.
    —
    Alors, si quelqu'un boit de

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