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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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comme les blés encore trempés de sueur, les yeux furieux, la bouche grande ouverte, le bout de la langue serré avec force entre les dents. Elle aussi avait des macules rouge foncé sur la poitrine et l'abdomen, les stigmates du poison, et sa peau était sèche au toucher. Pourtant, vivante, elle avait sans doute été plutôt avenante avec ses longues jambes gracieuses et ses seins encore pleins et bien formés.
    —
    Vous disiez ? interrogea Kathryn en regardant le père Clement.
    — Il aimait bien sa bière, Elias ; il pérorait toujours dans la grand-salle du Sanglier bleu sur ceci ou cela. Il était fortuné et pouvait s'offrir des marchandises venant de Londres ou de Cantorbéry, voire des objets de luxe importés de l'étranger. Il avait acheté à Isabella une belle robe de Bruges fourrée de menu-vair. Je suppose - le prêtre haussa les épaules - qu'il pouvait faire naître à la fois la colère et l'envie.
    —
    Et son épouse ?
    —
    Une joyeuse commère, intervint grand-mère Croul. Mais ils ne cessaient d'être à couteaux tirés !
    Kathryn se retourna.
    —
    A couteaux tirés ! répéta la vieille femme. Il ne se contentait pas de palabrer dans la grand-salle. Elias était un grand coureur de jupons.
    —
    Et Isabella ? voulut savoir Kathryn.
    Grand-mère Croul se tut et baissa les yeux sur ses sandales. Le père Clement se frotta la joue.
    —
    Maîtresse Swinbrooke, j'entends mes ouailles en confession mais ce qu'elles me confient relève du secret. Je dirai seulement qu'Elias soupçonnait sa femme d'accorder ses faveurs à d'autres hommes.
    Grand-mère Croul émit un petit rire discret.
    Kathryn jeta un regard perçant à la vieille femme, qui en savait sans doute plus qu'elle ne l'avait avoué et qui répugnait à en dire davantage en présence d'Adam l'apothicaire et de ses semblables.
    La jeune femme se dirigea vers l'oriel. Le manoir se réveillait. Un coq poussa son chant dur et discordant. Le vent apporta les rires et les bavardages des serviteurs réunis autour du puits. Kathryn décida de ne pas poser d'autres questions. Elle était certaine que le mari comme la femme avaient été assassinés. Elle avait d'abord envisagé un suicide mais avait sans tarder renoncé à cette idée. Elias et Isabella n'avaient pas choisi de rencontrer leur Créateur la veille au soir. Un accident ? Impossible ! Une coïncidence ? Kathryn tira sur sa mante. Il était tout à fait invraisemblable qu'Elias ait ourdi de tuer Isabella, et elle lui, en même temps, au même endroit et de la même façon. C'était donc un meurtre. Mais qui en était coupable ?
    Pourquoi ? Comme on toussait et s'agitait dans son dos, elle retourna vers les deux cadavres.
    Kathryn avait écouté avec grande attention le récit des événements.
    Elias avait bu de l'eau prise au tonneau puis était tombé au sol, en pleine crise. Sa femme, éperdue, était allée dans la cuisine pour avaler un gobelet de vin. Alors qu'elle en avait consommé la moitié, elle avait elle aussi été saisie de convulsions. La source de l'empoisonnement était donc la barrique d'eau, dans la cour, et le tonnelet d'où la servante avait tiré le vin. Kathryn commença par examiner le corps du forgeron. Elle fit pivoter la tête, s'efforça d'ouvrir la mâchoire et, respirant avec soin, elle détecta une odeur âcre semblable à celle d'un fruit suri. Puis elle s'occupa d'Isabella, des taches sur sa peau, de la rigidité de ses muscles. Elle appuya son nez contre les dents serrées de la victime et sentit la douceur écœurante de l'amande. Elle s'assit sur le tabouret laissé vacant par le prêtre.
    — Pourriez-vous les faire entrer ? pria-t-elle.

    Ce fut Sir Henry en personne qui alla ouvrir la porte et introduisit l'apprenti du forgeron et la servante. Le garçon portait un vieux haut-de-chausses et une jaque de cuir usé sur une petite chemise en laine. La fille avait une robe jaune foncé et un châle noir sur les épaules. Yeux larmoyants et nez rouge, ils semblaient tous les deux terrorisés et gelés. Kathryn les laissa se réchauffer près du brasero avant de les faire asseoir devant elle.
    — Votre maître et votre maîtresse sont morts. Assassinés, tous deux.
    Ils écarquillèrent leurs yeux bruns.
    —
    S'est-il passé quelque chose hier qui expliquerait ces trépas ?
    Le gamin fit non de la tête.
    — Alors pouvez-vous me parler de cette journée ? questionna Kathryn, consciente du silence qui régnait dans le dépositoire.
    L'apprenti

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