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Le temps des poisons

Le temps des poisons

Titel: Le temps des poisons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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était habillé comme pour se rendre à la Cour. Sa chevelure blonde, sa moustache et sa barbe étaient taillées avec soin et peignées. Il avait revêtu une cotte-hardie en velours vert ornée de losanges dorés, un haut-de-chausses pourpre enfoncé dans des bottes de cuir fauve et portait, autour de sa taille fine, une ceinture brodée à boucle d'argent à laquelle était suspendu un fourreau bordé d'or. « Le parfait courtisan », se dit la jeune femme. Lord Henry était fort élégant, jouant d'une main avec la boucle de sa ceinture et, de l'autre, tambourinant un petit air sur la gaine de sa dague.
    —
    Monseigneur ?
    Lord Henry sortit de son anxieuse rêverie. Il avait des yeux bleus des plus étranges qui donnaient à Kathryn l'impression qu'il la transperçait du regard.

    —
    J'ai demandé que l'on apporte les corps ici, expliqua-t-il. J'ai pensé que vous pourriez nous aider.
    —
    Ils sont morts ; ils ont été empoisonnés, déclara Adam l'apothicaire.
    Il avait décidé de se joindre au cortège qui allait au manoir et s'avança tel l'avocat de ces cadavres défigurés.
    Adam avait conçu une aversion immédiate pour Kathryn et ne se souciait pas de la cacher. Le courroux plissait son visage maussade encadré de longs cheveux noirs et il ne cessait de se tapoter la panse comme pour refréner son agitation.
    —
    Ils ont été empoisonnés, alors pourquoi les avoir amenés ici ? Qui en est responsable, voilà la seule question que nous devons nous poser.
    —
    Et plus important encore, énonça grand-mère Croul installée sur un tabouret dans un coin, souriant en voyant tous les regards se tourner vers elle, pourquoi ?
    Cette vieille femme à l'air sagace et aux cheveux gris séparés par une raie médiane et tombant sur ses épaules plut à Kathryn. Grand-mère Croul était vêtue d'une robe verte rapiécée sur une chemise blanche fermée jusqu'au col. Une mante en laine, souillée, était drapée sur ses épaules ; elle était chaussée de sandales élimées et un chapeau marron à large bord reposait dans son giron. Pourtant, en dépit de ses habits miteux, elle était assise telle une reine, ses yeux de chat, noirs et perçants, pétillant de vie.

    —
    Pourquoi, répéta-t-elle, fallait-il supprimer deux vies, expédier deux âmes dans les ténèbres ?
    —
    Un accident ? suggéra Amabilia.
    Grand-mère Croul rejeta la tête en arrière et se mit à rire.
    —
    Racontez-moi ce qui est arrivé, pria Kathryn.
    —
    C'était un lundi comme les autres à la forge, répondit Adam. Elias était occupé à ferrer des chevaux, à rétamer des bouilloires, à fabriquer une nouvelle faux ; sa femme, Isabella, était allée au marché. Elle est revenue pour préparer le souper, un morceau de bœuf mis de côté pour l'occasion.
    Adam lança un coup d'œil au prêtre.
    —
    Mon père, vous, vous avez parlé à tout le monde.
    —
    Il ne s'est rien passé d'anormal, murmura le père Clement, qui, assis sur un tabouret entre les deux corps, tendit la main pour les effleurer.
    —
    Rien du tout ? insista Kathryn. Pas de visiteurs inattendus, pas d'événements bizarres ?
    Le prêtre fit de la tête un geste de dénégation.
    —
    Posez vous-même la question, Maîtresse Swinbrooke. C'était un lundi comme tous les autres.
    Avaient-ils des enfants ?
    —
    Aucun qui ait survécu.
    —
    Des ennemis ?
    Le regard de l'apothicaire se perdit au loin.
    —
    Eh bien, en avaient-ils ? le pressa Kathryn.

    —
    Tout le monde en a, concéda le prêtre, ainsi que des amis. Dans un village comme Walmer, les passions se déchaînent mais pas au point de provoquer le meurtre.
    —
    Parlez-moi de leurs ennemis.
    —
    Ils en avaient, c'est vrai, admit le père Clement. Elias était un habile forgeron, un vrai disciple de saint Dunstan.
    Kathryn baissa les yeux sur les dépouilles. Elias était un homme râblé et avait, sur la poitrine et les jambes, de longs poils bouclés. La peau, à présent, était décolorée et plutôt sèche et, autour du nombril, une tache violacée marquait le ventre. En dépit de tous les efforts de ceux qui s'étaient occupés de lui, le rictus de la mort tordait le visage aux yeux mi-clos du maréchal-ferrant. On n'en distinguait plus que le blanc. Les muscles du corps étaient durs et ses doigts boudinés étaient crispés ainsi que des griffes. Le corps de son épouse était tout aussi grotesque : la tête un peu sur le côté, l'affreuse grimace sur sa figure cachée par ses cheveux blonds

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