Le temps des poisons
épaule.
—
D'une certaine façon, ils ne sont pas coupables, sauf de la mort de grand-mère Croul, puisqu'ils ont châtié des malandrins.
Il poussa un profond soupir.
—
Le père Clement se réclamera du privilège de clergie. Il maintiendra qu'Amabilia est complètement innocente bien que tout prouve le contraire.
—
Et ? interrogea Kathryn.
—
On l'enfermera dans un monastère isolé. Amabilia sera libre, mais je suis certain qu'elle le suivra n'importe où.
—
Et leur fils ? demanda Colum.
—
J'ai remarqué qu'ils n'ont pas vraiment mentionné cette question, répondit le seigneur, alors que c'est cela qui les a obligés à avouer. Si je prenais la peine de faire creuser, nous ne découvririons que deux corps dans le carré des indigents. Leur malheureux fils gît à présent dans le même tombeau que mon épouse. Laissons les morts enterrer les morts.
Sa citation lui arracha un petit sourire.
—
Qu'ils reposent là ensemble. Maîtresse Swinbrooke, je vous suis fort reconnaissant. Quelle récompense puis-je vous offrir ?
Kathryn regardait par la fenêtre le ciel qui se couvrait et le soleil qui déclinait.
—
Hawisa ?
—
Je m'occuperai d'elle... en tout bien tout honneur, s'empressa d'ajouter Lord Henry. Dites-moi, serez-vous heureuse de quitter cet endroit de crimes ?
Kathryn observa les ombres qui se déplaçaient avec le soleil qui se cachait.
—
Nous retournerons à Cantorbéry, Lord Henry, mais je peux vous assurer - elle lança un coup d'œil à Colum - que, où que nous allions, le meurtre nous suivra.
NOTE HISTORIQUE
Le Temps des poisons rassemble certaines données de l'histoire du E
XV siècle en Angleterre. La guerre des Deux-Roses trouva une fin temporaire et soudaine avec les éclatantes victoires yorkistes de Barnet et de Tewkesbury. Les lancastriens fuirent à travers tout le royaume et les allégeances politiques se modifièrent brusquement.
Le meurtre des trois réfugiés dans le cimetière de Saint-Swithun est le reflet fidèle du massacre des chefs lancastriens dans l'abbaye de Tewkesbury. Le poison, bien sûr, fut toujours un moyen efficace de se débarrasser de ses ennemis avec l'avantage supplémentaire, souvent, de ne pas être décelable. (Les empoisonnements en masse se produisaient dans l'Angleterre médiévale comme de nos jours.) C'est seulement à la fin du xixe siècle que de véritables examens post mortem permirent de comprendre les effets de l'arsenic et d'autres substances mortelles.
Louis XI de France, rusé et impitoyable, désirait unifier son royaume et supprimer tout opposant interne à la Couronne. Il ne cessa de négocier pour chasser Edouard IV et ses armées victorieuses de France et y parvint par le traité de Picquigny en 1475. Louis accepta de verser à Édouard une pension annuelle mais ne lui livra pas Henri Tudor, qui passait et repassait la frontière entre Bretagne et France en dépit des efforts constants des agents d'Edouard. Bien entendu, ce furent les Français qui, en 1485, appuyèrent Henri Tudor lorsqu'il renversa le dernier roi yorkiste, Richard III.
L'espionnage et les activités des agents secrets étaient aussi intenses au
E
XV siècle qu'à notre époque. Le travail de ces hommes et de ces femmes était souvent caché avec soin et nous ne le connaissons que lorsqu'il était couronné de succès ; par exemple les subtiles transactions menées par Lady Margaret Beaufort et Christopher Urswick pour qu'Henri Tudor monte sur le trône en 1485.
Enfin, les mœurs peuvent changer mais pas les pratiques sexuelles, la seule différence étant qu'à certaines époques on réprouvait certains comportements spécifiques. Cependant, l'excellent ouvrage de David Cressy, Travesties and Transgressions in Tudor and Stuart England (Oxford University Press, 2000), démontre que porter les habits de l'autre sexe et se travestir étaient des phénomènes plus communs pendant cette période qu'on ne le pensait jusqu'alors.
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