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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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l’embarque.
    10 h 35  – Frontigny.
    Sur le chantier de la tranchée de Frontigny, les hommes ramassent leur matériel :
    — Tout le monde sur le talus.
    Le train est engagé sur la pente Sablon-Courcelles depuis une dizaine de minutes. Le mécanicien-conducteur, Joseph Klein, hurle dans l’oreille du chauffeur :
    — Charge ! On va pas assez vite ! Faut leur donner de l’air…
    L’autre enfourne.
    — Et puis faut pas que l’odeur nous rattrape.
    Vingt kilomètres à l’heure, peut-être vingt-cinq.
    — Les hommes cclviii de l’équipe sont montés sur le mur de soutènement. De cet endroit en surplomb, nous pouvions voir dans les wagons à bestiaux par les petites lucarnes. Il y avait bien une quarantaine de wagons. C’était horrible ! Les trois ou quatre premières voitures étaient remplies de cadavres, empilés les uns sur les autres, jusqu’au toit ! Il en coulait un mélange d’eau et de sang. Une vue, une odeur insupportable, je vous le jure. Après, venaient des wagons dans lesquels se trouvaient des hommes vivants, crispés aux barbelés, muets, blancs comme du papier journal. C’était comme des morts vivants. Les pauvres gens ! Il faisait au moins 50° dans les wagons, j’en suis sûr. Entre les wagons, il y avait des soldats en armes ; eux non plus n’étaient pas très beaux à voir. Lorsque le train fut passé, l’odeur était si forte que nous n’avons pas pu reprendre notre travail : nous sommes montés plus haut sur le talus pour respirer.
    *
    * *
    Sifflet.
    — Signal ?
    — C’est bon !
    Depuis trois mois tous les trains du jour s’arrêtent au PN 103 de M me  Boime :
    — Celui-là cclix ne s’arrêtera pas. Les barrières sont fermées depuis dix minutes. On devait rester dedans avec ma fille Andrée, et puis la curiosité a été la plus forte. L’odeur ! Cette odeur ! Insupportable. Andrée fait la grimace. Il me semble que je la sens encore. Deux heures après le passage du train, l’air en était encore empli. Nous croyions qu’il n’y avait que des cadavres. Nous fûmes bien surprises de voir, aux lucarnes, des hommes qui s’accrochaient aux barbelés. Ils ne disaient rien, ne criaient pas ; ils ne cherchaient qu’une chose sans doute, un peu d’air frais.
    11 h 56  – Sarrebourg gare.
    Jules Martin, le chef des secouristes de la Croix-Rouge, note en sortant de la cantine qu’il fait encore plus chaud à l’extérieur qu’auprès des fourneaux « chargés » depuis 7 heures du matin de huit cents litres de soupe de pois cclx .
    Au poste directeur, Eugène Dreidemy, le chef de service circulation, branche le 7909 sur la voie XV, réservée aux convois militaires qui doivent se ravitailler.
    Le mécanicien Joseph Klein qui a pris en charge le convoi à Blainville saute l’aiguillage de la voie XIII et ferme le volant du régulateur.
    Bernard Kitta, chef de Sécurité, ne peut détacher ses yeux de cette lucarne où des masses gonflées, énormes…
    — Mais bon sang ! Ce sont des cadavres.
    Le 7909 s’immobilise entre un train de charbon et les baraquements du quai militaire. Les gendarmes de Dietrich sautent sur les dalles de grès du quai et se précipitent vers les lavabos.
    Auguste Oliger, le chef de manœuvre qui diffère les wagons aux boîtes chaudes du train de charbon, entend un feldgendarme de Sarrebourg demander à son « confrère » de Novéant :
    — Qui sont ces types enfermés là-dedans ?
    — Tous des communistes et des terroristes…
    Alors une voix énergique, de l’intérieur d’un wagon, lance en allemand :
    — Ce n’est pas vrai ! Nous ne sommes ni des communistes ni des terroristes. Nous sommes tous d’honnêtes Français, d’honnêtes gens… des gens comme vous tous.
    Le feldgendarme de Novéant hurle ;
    — Ta gueule salaud !
    11 h 56  – Sarrebourg gare (wagon Lutz).
    — Est-ce cclxi la fin de la matinée ou le début de l’après-midi ; nous arrivons à Sarrebourg… le 4 juillet, c’est mon anniversaire cclxii . J’ai vingt-cinq ans. J’ai déjà eu une existence mouvementée ; orphelin de père et de mère à quatorze ans ; sorti du lycée à dix-huit ans pour m’engager ; j’ai été prisonnier de guerre et je me suis évadé en 1942 d’Allemagne. C’est la deuxième fois que je retourne là-bas mais la première fois c’était quand même moins dur. Je ne suis plus moi-même, personne ne sait où je suis passé. Il est vrai qu’à part mes frères,

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