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Le train de la mort

Le train de la mort

Titel: Le train de la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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éviter d’autres morts !
    — Plus on partira vite, plus on arrivera vite, moins il y aura de morts.
    — J’ai fait préparer deux mille rations de soupe, Ils ont faim. Ils ont soif. On va leur donner de l’eau…
    Dietrich éclate.
    — Et moi je dis non. Non ! Non ! Nous allons démarrer. Tout de suite !
    Les bras, la casquette moulinent. Mulherr recule, crie à son tour :
    — Ici c’est moi qui commande. Le train sera ravitaillé, les morts enterrés, les wagons nettoyés.
    — Et moi je vous donne l’ordre de me foutre la paix. Ce train est placé sous ma responsabilité.
    — Devant ce que j’ai vu, et en vous entendant, j’ai honte d’être Allemand. Moi ce n’est pas Himmler qui me commande.
    — Taisez-vous !
    — Non ce n’est pas votre Himmler. Je reçois mes ordres de la Direction des transports. Et aujourd’hui – vous savez peut-être ce qui se passe en Normandie – les transports militaires ont priorité. Même Himmler le comprendrait.
    — Vous aurez de mes nouvelles. Je le jure. Taisez-vous !
    — Ça m’est égal. Je veux dire encore ceci : bientôt il y aura plus de rues de la Paix ou du Pardon en Allemagne que de rues Adolf Hitler ou Heinrich Himmler.
    — Pauvre type ! Pauvre type !
    Mulherr a tourné les talons. En passant devant la machine :
    — Vous accrocherez quand le ravitaillement sera terminé.
    12 h 4  – Sarrebourg gare (wagon Guérin-Canac).
    — Des hurlements cclxiv , des cris. Que se passe-t-il ? Car ces hurlements viennent cette fois du quai. J’aperçois deux officiers allemands en train de s’apostropher violemment. L’un lève les bras au ciel en proie à une violente colère. Il s’écrie :
    « Armes Deutschland ! Sind Sie ganz verrückt !…»
    — « Pauvre Allemagne ! Mais vous êtes complètement fou ! Traîner ainsi des tas de cadavres !…» – L’autre, fou de rage, réplique, menace. Il lui dit que nous sommes des terroristes, de sales Juifs ou communistes et que nous n’avons que ce que nous méritons. Alors le premier rétorque qu’ici il est le maître et que, tant que le train restera en gare, c’est lui le responsable.
    12 h 15  – Sarrebourg gare.
    Dietrich demande deux numéros de téléphone à Berlin.
    Du bureau voisin Mulherr appelle le médecin-chef de l’hôpital de Sarrebourg.
    — Docteur V… Pouvez-vous venir immédiatement à la gare ? J’ai besoin de votre aide. Il faut prendre une décision d’ordre médical. C’est grave. Très grave.
    — J’arrive !
    12 h 25  – Sarrebourg gare.
    — Que se passe-t-il ?
    — Les convoyeurs nous interdisent de commencer la distribution.
    Robert Mangin qui assure la relève du délégué de la Croix-Rouge, Jules Martin, conseille à ce dernier de quitter la gare :
    — Vous assurez le service ce soir et toute la nuit… reposez-vous. Vous en aurez besoin. Combien de morts ?
    — On ne sait pas exactement.
    — Je vais voir.
    Robert Mangin, mains dans les poches, franchit le cordon de garde. Près du fourgon de queue, il reconnaît un schupo de Sarrebourg :
    — Vous avez le nombre de morts ? C’est à cause des rations.
    — Non, mais c’est facile. Les wagons qui en contiennent sont signalés par une croix blanche à la craie et à côté de la croix vous avez le chiffre de cadavres. Venez !
    Robert Mangin et Je schupo longent le train.
    Premier arrêt :
    — Cent vingt et un à la craie. Ça veut dire cent vingt et un morts ?
    — Oui ! Vous pouvez vérifier.
    Robert Mangin se hisse sur le tampon, regarde par la lucarne :
    — C’est horrible ! Comment cela est-il possible !
    Le schupo ne répond pas.
    Arrivé devant la locomotive, Robert Mangin a relevé sept chiffres. Il additionne :
    — Quatre cent quatre-vingt-un. Quatre cent quatre-vingt-un morts cclxv .
    12 h 35  – Sarrebourg gare.
    Le docteur V…, médecin-chef de l’hôpital de Sarrebourg, suit le capitaine Mulherr sur le quai militaire :
    — On vient de me dire qu’il y a dans ce train quatre cent quatre-vingt-un morts.
    — Et alors ? Moi je m’intéresse aux vivants et non aux morts.
    — Mais enfin docteur, les vivants sont mélangés avec les morts. Il faut enterrer…
    — Je ne représente pas les Pompes funèbres.
    — Je ne pense pas que ce soit le moment de plaisanter.
    Le médecin-chef remet son chapeau :
    — Mon cher ami, je sais quel homme vous êtes : honnête, profondément humain et même je pense un peu

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