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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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il la saisit mais cette fois la serra contre lui si fort qu’elle en gémit, lutta pour échapper à son étreinte sans parvenir seulement à la desserrer.
    — Pourquoi veux-tu tellement que je m’en aille ? Je t’ai dit que je voulais voir cet homme.
    — Non… non ! Laisse-nous tranquilles ! Tu n’as aucun droit…
    — Peut-être, après tout, mais cela n’explique rien. D’après ce que j’ai pu apprendre de ce Kernoa, il était… enfin, il est un homme de bien, un brave garçon. Pourquoi donc as-tu tellement peur d’une rencontre entre nous ? Parce que tu as peur, n’est-ce pas ? Peur de quoi ? Il est si jaloux ? J’ai quelque peine à le croire après le spectacle que tu m’as offert hier soir.
    Elle se tordit contre lui mais il resserra encore son étreinte tandis que, de sa main libre, il emprisonnait les deux poignets de la jeune femme.
    — Tu me fais mal !…
    — Aucune importance ! Réponds-moi ! Tu as peur, n’est-ce pas ?
    — Oui… oui, c’est vrai… j’ai peur.
    — De quoi ? De qui ?…
    Brusquement, elle cessa de se débattre. À quelques centimètres de son visage, il vit, avec stupeur, flamber un regard noir, un regard qui n’était que haine et que fureur.
    — De qui veux-tu que j’aie peur sinon de toi ? Oui, j’ai peur de toi ! J’ai peur que tu ne me le tues parce que, vois-tu, je l’aime ! Tu n’imaginais pas cela n’est-ce pas ? C’était si commode d’inventer je ne sais trop quelle influence occulte ! Cela satisfaisait ta vanité…
    — Ce n’est pas vrai ! C’est moi que tu aimais…
    — Peut-être… Oui, je crois que je t’ai aimé un temps. Tu es beau, fort, passionné… Tu m’adorais visiblement et j’étais si seule ! Mais lui, lui, c’est autre chose. Si mes frères ne nous avaient pas retrouvés, j’aurais été heureuse avec lui…
    Gilles la lâcha si soudainement que, déséquilibrée, elle faillit tomber. Une main de glace lui étreignait le cœur et il avait l’affreuse impression d’être en train de se vider, tout à coup, de son sang. Il y avait, quelque part en lui, une invisible blessure par laquelle s’en allait sa vie…
    — Tu l’aimes ? articula-t-il avec peine.
    — Oui… Pardonne-moi !
    Si elle n’avait pas ajouté ces deux pauvres mots d’excuses, il eût peut-être douté encore mais, pour exprimer ce semblant de repentir, il fallait qu’elle fût bien sûre d’elle-même… Pour lui cacher la souffrance brutale qui le ravageait, il se détourna d’elle. Le haut miroir de la cheminée lui renvoya une image fantomale, un visage blême aux traits tirés, brusquement vieilli de dix ans. Le sien !… cependant qu’au fond de ses souvenirs une voix hargneuse s’élevait, celle de Tudal de Saint-Mélaine, acculé par lui comme un sanglier dans sa bauge et qui lui avait jeté, avant d’être tué par lui : « Pas la peine de jouer les redresseurs de tort. Tournemine ! Elle se fichait pas mal de toi… » Ainsi, Tudal avait dit vrai et Judith, elle aussi, disait la vérité. Elle aimait l’homme qui l’avait recueillie quand elle fuyait ses frères et lui-même, elle n’était venue à lui que par solitude et parce qu’elle le croyait mort.
    Un instant, il ferma les yeux, serrant les poings pour retenir les larmes qui lui venaient et qu’il ne voulait pas lui montrer. L’affreuse petite garce ! Il ne lui avait fallu que bien peu de mots pour détruire sa vie, ses espoirs. Il venait à elle prêt à pardonner pourvu qu’elle voulût bien le suivre. Il voulait l’emmener avec lui à l’autre bout de la terre, comme ils avaient jadis rêvé de le faire. Mais le bonheur de Judith, ce n’était pas de lui qu’il dépendait, c’était d’un autre…
    Le reflet de la glace lui montra qu’elle l’observait avec des yeux inquiets. Alors, sans la regarder, il alla reprendre son chapeau qu’il avait, en entrant, posé sur un meuble, marcha d’un pas ferme vers la porte, l’ouvrit.
    — Adieu ! dit-il. Que Dieu te pardonne s’il le peut. Moi je ne peux pas…
    La porte refermée, il retrouva l’obscurité du couloir et, un instant, demeura immobile laissant la nuit couler sur lui comme un baume. Il fallait qu’il se reprît… il fallait lutter contre ce vide qui l’envahissait et qui chassait toute envie d’exister encore.
    L’instinct le conduisit le long de cette galerie jusqu’à la fenêtre devant laquelle bougeait doucement la branche d’arbre qui l’avait

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