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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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journée à chanter, se couchait et s’endormait, Gilles, qui avait dormi, lui, toute la journée, commençait à préparer l’évasion du lendemain.
    Le drap qu’il avait extrait de la chaise percée et les deux qui formaient le fond de son lit et de celui de Pongo furent, à l’aide du canif remis par le roi, découpés en bandes que le jeune homme tressa et rajouta soigneusement puis qu’il teignit à l’aide du café qu’il s’était bien gardé de boire afin que, dans la nuit, la blancheur du tissu ne se remarquât pas trop quand la corde de fortune pendrait le long de la muraille.
    Ce travail lui prit un certain temps mais il constata avec plaisir qu’il n’était pas encore minuit quand il l’acheva et fourra, sous son lit, le produit de son industrie. Son évasion devant avoir lieu la nuit suivante, vers deux heures du matin, il aurait largement le temps, avec l’aide de Pongo, de transformer en nouvelles tresses les draps du dessus, les couvertures et les serviettes qu’il aurait réussi à se procurer. Son lit n’avait malheureusement pas de rideaux mais il y suppléerait avec les cravates, les chemises et les vêtements que Pongo avait emportés au moment de son arrestation.
    N’ayant plus rien à faire, il s’étendit sur son lit, alluma sa pipe et, sa montre posée auprès de lui, se mit en devoir de noter les heures des rondes et les différents bruits qui lui parvenaient. La température était devenue plus supportable et, dans le lointain, si l’on en croyait les roulements de tonnerre, de moins en moins espacés, qui se rapprochaient insensiblement, un orage se préparait…
    Il éclata vers trois heures avec une violence telle que Pongo s’éveilla en sursaut. Le tonnerre avait claqué juste au-dessus de la tour et la chambre voûtée résonnait comme une cloche. Pendant un long moment ce fut l’Apocalypse. La tempête tourbillonnait autour de la forteresse, allumant des éclairs aveuglants qui plongeaient par les meurtrières, illuminant un instant l’intérieur de la geôle.
    — Fasse le ciel que nous n’ayons pas ce temps demain, marmotta Gilles. On doit y voir comme en plein jour dehors. La plus maladroite des sentinelles ne nous manquerait pas !… D’un autre côté, cela pourrait les tenir à l’abri…
    Un nouveau coup de tonnerre plus violent encore que les autres lui coupa la parole et aussitôt les nuages crevèrent. Une pluie diluvienne s’abattit sur la ville, soulevant d’abord des nuages d’une poussière qui, très vite, se changea en boue, arrachant les feuilles déjà sèches des arbres altérés, transformant les gouttières en fontaines et les ruisseaux en torrents.
    Quand le jour se leva, si gris et si bas qu’il pénétrait à peine dans la prison, il pleuvait toujours et le vent hurlait comme une bande de loups. Dans leur « calotte » accrochée aux nuages, Gilles et Pongo avaient la sensation d’être perdus en plein ciel car le vacarme de la tempête dont elle semblait être le centre étouffait tous les bruits de la prison. En bon sorcier indien pour qui le tonnerre est la voix même du Grand Esprit, Pongo se livrait à une nouvelle série d’incantations et, à genoux au milieu de la pièce, envoyait de temps en temps, vers ce que l’on pouvait voir de ciel à travers l’étroite ouverture, des pincées d’une poudre mystérieuse qu’il puisait dans le sac-médecine en peau de caribou qui ne l’avait jamais quitté depuis les rives de la Delaware.
    Assis sur son lit, Gilles le regardait faire, ne sachant trop s’il devait se réjouir d’un temps abominable qui, très certainement, n’inciterait guère les sentinelles de garde sur le parapet à quitter leurs guérites mais risquerait de balancer inconfortablement la corde de fortune grâce à laquelle tous deux allaient descendre le long de la tour.
    La matinée s’étira, interminable, égayée seulement par les repas et la visite du barbier qui apparut dans la matinée, passablement essoufflé, avec l’attirail non seulement convenable mais étonnamment luxueux qui était d’usage à la Bastille. Nanti d’un bassin et d’un coquemar d’argent massif, l’homme, un garçon replet et jovial que la fréquentation d’interminables escaliers ne semblait pas faire maigrir, coiffa Gilles d’un beau bonnet de soie bleue, étala sous son menton une serviette à barbe de toile fine garnie de dentelle et lui enduisit le visage d’un savon qui fleurait la violette. Tout en maniant

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