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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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instants plus tard, enfermé de nouveau dans sa prison roulante auprès d’un compagnon qui ne perdit pas un instant pour se rendormir, Gilles reprenait la route de Paris. Mais ce voyage de retour était bien différent de l’aller. Certes, il faisait toujours aussi chaud dans la voiture et l’officier de la Prévôté sentait toujours le tabac refroidi mais le prisonnier emportait dans son cœur toute la fraîcheur vivifiante de l’aube.
    Au-dehors, en dépit des bruits de l’escorte, il pouvait entendre l’appel des coqs qui se répondaient de Saint-Cyr au Chesnay, les premiers cris de la ville et, en traversant la place d’Armes, les jurons des cochers qui, eux aussi, répondaient en effectuant un semblant de nettoyage dans leurs diverses voitures de place : coches, carabas ou « pots de chambre »…
    Et puis ce fut l’Angélus et l’égrènement doux de ses notes d’espérance. Silencieusement, alors, Gilles se mit à prier offrant à Dieu une fervente action de grâces pour avoir bien voulu permettre que son roi de France, à lui, ne fût ni Louis XIV ni Louis XV, ces rigides symboles de la monarchie absolue, impitoyable et sourde aux souffrances des simples mortels, mais un brave homme de savant au cœur bon et compatissant qui ne possédait certes pas la poigne de fer qui fait les grands rois mais toutes les qualités qui font les gens de bien et même, dans une certaine mesure, les saints.
    Pourquoi, hélas ! avait-il fallu qu’on lui donnât pour femme cette jolie et folle archiduchesse d’Autriche qui avait pris sur lui un ascendant redoutable et qui, pour le malheur de tous, ne parvenait pas à oublier qu’elle était née sur les bords du Danube ? Et moins encore peut-être une naissance Habsbourg d’où elle tirait l’intime conviction d’appartenir à une race privilégiée, d’essence quasi divine, qui la rendait incapable de comprendre les aspirations, tellement plus simples et plus humaines, d’un fils de Saint Louis trouvant plaisir à pratiquer la serrurerie.
    Pour sa part, Gilles bénissait de tout son cœur cette étrange face du caractère d’un roi. Répartis dans les vastes poches de son habit, il sentait la présence des clefs et du canif entrés en sa possession de si extraordinaire façon et en éprouvait une joie maligne. C’était amusant, à tout prendre, de se retrouver dans cette voiture, gardé comme un chargement d’or ou comme un prisonnier d’État, tout en sachant parfaitement que l’on emportait avec soi ce qui représentait, à la lettre, les clefs de la liberté…
    Le goût de la vie, cette vie à laquelle il renonçait si aisément quelques heures plus tôt, lui revenait avec une ardeur nouvelle, une saveur plus dense de savoir qu’il allait tout de même la remettre en question, en dépit de la chance qu’on lui offrait. L’aide royale, en effet, s’arrêtait à certaines choses : les clefs et le fait que le gouverneur de la Bastille, M. de Launay, recevrait dès le matin l’ordre de le transférer dans la plus haute chambre de la tour de la Liberté, une de ces chambres étroites et voûtées si bas qu’il aurait peine à s’y tenir debout. En outre, Gilles savait que quelqu’un l’attendrait, déguisé en invalide, de l’autre côté du fossé, sur le chemin de ronde extérieur.
    Mais, avant de rejoindre cet inconnu, il y aurait la vertigineuse descente le long d’une haute tour au moyen d’une corde qu’il allait devoir faire avec des draps et les tissus qu’il trouverait sur place car lui faire passer une corde en si peu de temps était parfaitement impossible. Cette corde certainement serait trop courte et il lui faudrait se laisser tomber dans le fossé, le traverser et remonter de l’autre côté. En outre, comme il était impossible de mettre la garnison au courant, il y aurait de fortes chances pour qu’on lui tire dessus.
    Pourtant, ces difficultés même stimulaient son ardeur. Elles représentaient sa part de courage personnel et le prix dont il était normal qu’il payât la générosité de Louis XVI. Il savait qu’au matin, on retrouverait un cadavre dans le fossé, un cadavre qui accréditerait sa mort mais il se pouvait très bien que ce cadavre fût le sien et que l’École de médecine fît l’économie d’une pièce anatomique… L’important était seulement, à ses yeux, que Pongo, qui allait partager l’aventure, s’en tirât, lui, sans dommage.
    Il faisait grand jour quand le carrosse pénétra

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