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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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préparer des fondrières dans les rues de Paris avec le passage de ses canalisations.
    L’inculpé venait tout juste de lire ce désagréable factum quand, au matin du samedi 6 octobre, Tournemine qui avait passé la majeure partie de sa nuit à arpenter sa chambre, vint frapper à la porte de son cabinet. Rouge de colère, la perruque en bataille, il releva sur son hôte un regard qui flambait.
    — Que voulez-vous ? grogna-t-il sans plus s’embarrasser de formules de politesse tant il était furieux, mais le jeune homme ne s’émut pas pour autant.
    — Croyez que je suis navré de vous déranger à un moment qui me paraît… fort mal choisi, mais je ne pouvais plus attendre. Beaumarchais, mon ami, si vous ne voulez pas me voir devenir fou sous votre toit, il faut que je vous quitte.
    Le visage de l’écrivain revint progressivement à une teinte normale tandis que son œil se faisait attentif.
    — Vous en avez assez, hein ?
    — De votre hospitalité ? Certainement pas ! Elle est royale et je vous supplie de ne pas me taxer d’ingratitude. Mais le gamin des landes de Kervignac n’est pas encore mort en moi. Je suis un animal de grand vent, mon ami, et voilà un grand mois que je vis enfermé. Je n’en peux plus. En outre, si j’ai bien deviné ce qui se passe ici depuis quelques jours, vous avez des ennuis.
    — J’en ai toujours eu… et de plus graves que ce torchon ! gronda Pierre-Augustin en jetant les feuillets de papier sur un coin de sa table de travail. Cette fois, cela tient à ce que j’ai trop de succès, ajouta-t-il avec cette fatuité ingénue qui était à la fois, chez lui, un défaut et un charme. Et si vous en voulez la preuve, tenez ! Lisez !…
    Sa vaste robe de chambre en damas zinzolin 4 , largement ouverte, voltigeant autour de lui comme de grandes ailes sombres, il se rua sur un angle de la bibliothèque, en tira un énorme livre relié en maroquin pourpre qu’il vint abattre sur une petite table placée en prolongement du bureau. Une inscription en larges lettres d’or s’étalait sur le cuir odorant : « Matériaux pour élever mon piédestal » lut Gilles avec une surprise amusée. Mais déjà Beaumarchais ouvrait le livre, il était plein de libelles, de pamphlets, de chansons, de lettres anonymes ou non, mais toutes rassemblant une assez jolie collection d’injures plus ou moins claires.
    — Voilà ! fit-il non sans orgueil. Voilà tout ce que l’on a déjà écrit sur moi, tout ce qui, un jour, servira ma gloire ! Les âneries de ce Mirabeau vont y occuper, croyez-moi, une place de choix car le bougre a du talent.
    — Et vous n’allez pas répondre ? fit Gilles après avoir parcouru rapidement le pamphlet.
    — Je… Si !… Oh ! s’il n’y avait que moi, je mépriserais, mais je ne peux pas laisser insulter en même temps tous les actionnaires de la Compagnie des Eaux, ni bafouer le progrès. À ce propos… il est peut-être temps en effet que vous repreniez votre liberté, mon ami, car il va falloir me rendre à Kehl pour faire imprimer ma réponse et aussi pour voir où en est ma grande édition des œuvres de Voltaire que l’on voudrait 5 m’obliger à détruire. Comme je repars en guerre, en quelque sorte, je ne voudrais pas qu’il arrive du désagrément à Thérèse pendant mon absence. Ce Mirabeau est à la solde d’un groupe de banquiers qui jouent à la baisse sur les Eaux dans l’espoir de me faire boire un bouillon ! Cela lui donne de la puissance à ce salaud et il en profite. Misérable écrivaillon taré qui mettrait sa mère au bordel pour une poignée d’or !
    Il devenait violent, vulgaire. L’apprenti horloger de jadis faisait craquer le vernis de l’homme de Cour, du professeur de musique de Mmes Tantes 6 sous la poussée d’une colère dans la trame de laquelle Gilles décelait de la lassitude et aussi de la peur. Mais était-ce pour lui-même qu’il craignait ou seulement pour celle qu’il appelait sa « ménagère » faute d’avoir eu, jusqu’à présent, l’honnêteté d’en faire sa femme.
    — En ce qui vous concerne, continua-t-il d’un ton plus calme, je crois qu’en effet le moment est venu de vous ouvrir la porte. La Cour va gagner Fontainebleau pour les chasses et pour y recevoir les ambassadeurs autrichiens et hollandais en vue du traité et Monsieur, qui ne chasse pas, va sans doute se rendre dans sa terre de Brunoy. Le temps me paraît bien choisi pour faire faire ses premiers pas sur

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