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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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dévouement à la cause royale le conduisaient lui aussi à étouffer lentement sous une inexorable cuirasse de soieries parfumées.
    — Je ne pourrais pas supporter cela, dit-il enfin, et je ne comprends pas que cet homme ait accepté un tel supplice. Que n’est-il parti au diable… plus loin que la mer, plus loin que l’horizon ? Au cœur sauvage de l’Amérique personne ne serait allé voir s’il enfilait, le matin en se levant, une culotte ou un cotillon.
    — Personne, en effet… et personne non plus ne lui interdit de prendre un bateau, à Douvres ou à Portsmouth, mais il sait bien que, ce bateau, il devrait le prendre en femme et qu’au cœur de vos forêts américaines, il lui faudrait encore garder sa défroque. Ne vous ai-je pas dit qu’il avait dû donner sa parole ? Et d’Éon, même si je ne l’aime pas, est un gentilhomme.
    Tournemine rougit légèrement.
    — C’est juste ! J’avais oublié. Vous avez raison, dans ce cas il n’y a rien à faire mais votre histoire amène de l’eau à mon moulin, mon ami ; il faut, pour la suite des jours à venir, que je me trouve un personnage assez différent de ce que je suis pour ne pas éveiller les soupçons de qui vous savez, mais sous le masque duquel il me soit possible de vivre et de mourir réellement si le sort voulait qu’il ne me soit plus possible de le rejeter.
    — Un peu de patience ! L’article de la Gazette décrivant comment l’on a retrouvé le corps du chevalier de Tournemine, frappé de plusieurs balles, dans l’eau des fossés à la suite d’une tentative d’évasion désespérée, est encore trop récent. C’est tout juste si l’encre en a eu le temps de sécher. Dans quelques jours, je vous ferai connaître mon ami Préville.
    — Préville ? Le comédien ?
    — Le comédien. C’est un homme de goût, un homme sûr… et un brave homme. Avec lui notre secret sera en d’excellentes mains. Il en a gardé d’autres, croyez-moi. D’autant qu’il n’aime pas plus Monsieur que nous ne l’aimons vous et moi. Mais surtout, Préville est un maître dans l’art du grimage et son coup d’œil est infaillible. Il saura, d’emblée, ce qui peut le mieux vous convenir quand il aura parlé avec vous durant trois minutes car personne, comme lui, ne sait quel personnage convient le mieux à tel rôle. Savez-vous, ajouta-t-il en souriant, que Préville a eu le beau courage de me refuser le rôle de Figaro que je lui offrais sur un plateau d’or ?
    — Peste ! fit Gilles qui savait déjà quelle tendresse Beaumarchais portait à son barbier sévillan.
    — Et cela parce qu’il estimait n’avoir plus l’âge du personnage même s’il en conservait encore l’apparence. Croyez-moi, chevalier, c’est Préville qu’il nous faut. Mais, en attendant, continuez donc à jouer les secrétaires un peu demeurés. Vous vous en tirez à merveille…
    C’était en vérité un rôle facile pour Tournemine car, en dehors des repas qu’ils prenaient avec la famille Beaumarchais, souvent réduite dans la journée à Thérèse et à Eugénie, le señor Conil y Tortuga et son secrétaire se renfermaient la majeure partie de la journée dans leur appartement pour y tuer le temps chacun à sa façon.
    Parfois, le soir, Gilles devait mettre au lit, avant même le souper, un Pongo ivre comme toute la Pologne un jour de fête et descendre souper sans lui. Il s’attardait alors à écouter Thérèse lui jouer de la harpe dans la galerie de Flore ou à entamer avec Eugénie une partie de jonchets si Pierre-Augustin n’était pas là pour lui tenir compagnie.
    Par contre, le samedi soir, ni lui ni Pongo n’apparaissaient car c’était, traditionnellement, le jour où Beaumarchais recevait ses amis habituels : Gudin, l’alter ego, le plus intime qui, cependant, ignorait tout de leur présence, l’abbé de Calonne, l’acteur Molé ou l’intendant des menus plaisirs Papillon de La Ferté, les personnages importants qui pouvaient lui être d’une quelconque utilité. Ces soirs-là l’hôtel de la rue Vieille-du-Temple ruisselait de lumières et, au son d’une musique discrète, les invités prenaient place autour d’une table royalement servie que Thérèse présidait avec sa douceur et sa grâce habituelles, cependant que le Noir Jean-Baptiste, ou encore le vieux Paul, le fidèle serviteur de Pierre-Augustin, montaient sur un grand plateau leur repas aux deux séquestrés.
    Ces dîners du samedi étaient une rude

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