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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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donnée pour lui seul, comme si le comédien avait cherché à persuader ce silencieux jeune homme dont le regard caché derrière les verres brillants de ses lunettes et les paupières à demi baissées lui était insaisissable, de l’excellence de l’enseignement qu’il pouvait lui dispenser et des facettes multiples de son talent. Il regardait aussi Pongo, toujours figé dans son rôle d’hidalgo, avec un intérêt qu’on ne lui rendait pas d’ailleurs car à table Pongo ne s’occupait que de son assiette. À ce moment-là le reflet d’un rêve passait dans les yeux du comédien et Gilles, amusé, se demanda s’il n’était pas en train de caresser l’idée de s’introduire un jour dans la personnalité originale d’un sorcier iroquois.
    Le repas terminé, Thérèse se leva, emmena sa fille en priant les hommes de l’excuser : elle avait à faire, ce qui permit à Pierre-Augustin de les entraîner dans son cabinet où il demanda au vieux Paul de servir le café.
    Un moment plus tard, tandis que l’odorant breuvage fumait dans les tasses translucides, emplissant l’air de son parfum velouté et chaleureux d’îles du bout du monde, Paul refermait soigneusement la double porte et s’installait sur une chaise voisine, en principe pour être prêt à répondre au moindre désir du maître, en réalité afin de veiller à ce que personne ne s’approchât si peu que ce soit du sanctuaire.
    À l’intérieur, assis sur un fragile cabriolet de velours gris, les jambes croisées et une tasse pleine au creux de sa main, Préville s’était remis à regarder Gilles qui, recroquevillé dans un coin de canapé, les yeux au sol, buvait son café en silence, attendant que Beaumarchais ou le comédien ouvrît le feu. Ce fut celui-ci qui s’en chargea.
    — À présent que nous sommes seuls, dit-il, je crois qu’il n’y a plus d’inconvénients à ce que vous me montriez, monsieur le secrétaire, votre véritable visage ?
    — Je le crois, en effet, renchérit Pierre-Augustin. Il est temps de songer aux choses sérieuses, mon ami.
    Sans rien dire, Gilles abandonna sa tasse sur un coin de meuble, ôta posément sa perruque de procureur, ses lunettes et se leva en se redressant de toute sa taille.
    — Voilà ! fit-il en ouvrant largement ses yeux clairs et en les posant sur le comédien. Que pensez-vous pouvoir faire de moi, monsieur Préville ?
    L’autre ne répondit pas tout de suite, considérant non sans surprise la haute et puissante silhouette qui se dressait à présent devant lui, le dominant d’une telle hauteur. Au bout d’un instant de contemplation muette, il eut un clappement de lèvres.
    — Cela ne va pas être facile ! Vous n’avez pas, monsieur, un physique facile à dissimuler… encore que vous vous tiriez à merveille dans ce rôle de secrétaire taciturne et falot. Du diable si je vous aurais cru aussi grand !
    — J’avoue, fit Gilles en souriant, que je suis content de pouvoir me déplier et que j’aimerais bien me glisser dans une peau qui ait à peu près mes dimensions.
    — Je vous comprends ! Voyons, que pouvons-nous faire de vous ? Un Hollandais, un Danois, un Allemand ?… Parlez-vous une langue étrangère ?
    — L’anglais, très bien je crois mais je devrais plutôt dire l’américain car c’est surtout là-bas, pendant la guerre des insurgents, que je l’ai perfectionné… Ça ma laissé un peu de couleur du terroir…
    — Voilà la solution ! L’Amérique est fort à la mode et nous voyons venir, ces temps-ci, un certain nombre de jeunes citoyens de cette libre République !
    — C’est même une solution encore meilleure que vous ne l’imaginez, dit Beaumarchais en riant, car je pourrai trouver sans peine des papiers et passeports tout à fait convaincants.
    — Je serai donc Américain. Cela me plaît, mais…
    — Pas si vite ! coupa Préville. Il ne suffit pas de changer de nom mais aussi de modifier suffisamment votre aspect extérieur… et même intérieur pour que tout le monde puisse y croire. Et cela je ne peux le faire ici. Il faut être seul pour bien apprendre un rôle.
    — Où dois-je aller, alors ?
    — Chez moi… si vous voulez bien me faire l’honneur d’un court séjour, avec votre serviteur, bien sûr, car lui aussi devra changer encore s’il veut demeurer auprès de vous. Ce rôle d’Espagnol par trop fantaisiste et qui sent son théâtre de Beaumarchais ne tiendrait pas longtemps hors d’ici. En outre, il

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