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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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ne parle pas la langue, il faut quelque chose qui se rapproche davantage de sa personnalité réelle.
    Les yeux de Gilles tournèrent vers Pierre-Augustin.
    — Un long séjour ?
    — Trois ou quatre jours, pas plus car vous me semblez doué. Vous ne serez pas mal, d’ailleurs. Ma femme n’est pas comparable, pour la perfection d’une maison, à notre chère Thérèse mais elle ne s’en tire tout de même pas si mal.
    — Il ne tient plus en place, dit Beaumarchais, mais il supportera bien encore trois ou quatre jours. Quand partez-vous ?
    — Tout de suite si vous le permettez. Mme Préville m’a prié de passer chez Mlle Alexandre pour y prendre je ne sais quel chapeau qui doit être prêt et j’aimerais ne pas rentrer trop tard dans la nuit.
    Le départ s’effectua le plus simplement du monde : Préville emmenait le noble espagnol saluer chez elle Mme Préville, comédienne elle aussi, dont il était un grand admirateur et le secrétaire suivait tout naturellement. Deux heures plus tard, par la portière de la voiture que conduisait un ancien figurant devenu homme de confiance du comédien, Gilles regardait défiler les vieux arbres de la route du Valois avec une merveilleuse sensation de libération. C’était bon de retrouver de grands espaces, un ciel que ne mesuraient plus chichement les toits gris de la rue Vieille-du-Temple. Le jardin de Beaumarchais était trop petit pour sa faim et lui semblait à présent tout juste à la taille de la petite Eugénie.
    Certes, il avait été heureux d’y trouver refuge mais, durant tout ce mois de claustration, il s’était fait l’effet d’un objet usagé rangé dans un placard en attendant que quelqu’un s’aperçût qu’il pouvait encore servir. À présent, il allait pouvoir redevenir un homme responsable de son propre destin, même si c’était sous un autre visage, un homme qui aurait le droit de chercher la trace, heureusement encore fraîche, de son bonheur si brutalement brisé.
    Durant ses nuits d’insomnies, il s’était interminablement demandé comment avait réagi Judith à la nouvelle de sa mort, car elle avait dû être une des premières à l’apprendre. Avait-elle pleuré ? Se sentait-elle veuve ? Souffrait-elle un peu à l’idée de ne plus revoir, jamais, celui qu’elle disait aimer si passionnément ? Ou bien cette mort satisfaisait-elle sa rancune et le goût de la vengeance que devait garder son âme encore sauvage ? Quatre jours ! Quatre jours encore avant d’avoir le droit de se mettre à la recherche de cette vérité-là…
    Le lendemain, à la même heure, Gilles, debout devant une glace, contemplait non sans stupeur le visage qui allait être le sien : celui d’un homme plus âgé que lui et qui ressemblait davantage à un forban qu’à un élégant lieutenant des gardes du corps de Sa Majesté Très Chrétienne. Ses cheveux blonds, habilement teints, étaient devenus d’un brun presque noir et s’argentaient légèrement sur les tempes. Une fausse cicatrice tirait légèrement vers l’oreille l’un des coins de sa bouche, ses yeux qui représentaient la difficulté majeure à cause de leur couleur bleu glacier avaient été creusés par la magie d’une pommade contenant du brou de noix et abrités sous d’épais sourcils bruns qui changeaient la forme de l’arcade. Une courte barbe en collier complétait la transformation.
    — La sagesse, dit Préville qui debout auprès du miroir contemplait son œuvre non sans satisfaction, sera de laisser pousser votre propre barbe. Elle est, en général, plus foncée que la nuance des cheveux mais si la vôtre est trop claire, vous pourrez toujours la teindre avec le même produit que vos cheveux. Je vous en fournirai régulièrement. Comment vous trouvez-vous ?
    Gilles fit la grimace, ce qui n’arrangea rien.
    — Foncièrement antipathique ! dit-il. Je suis affreux à souhait.
    — Je ne suis pas de votre avis. Vous n’êtes pas antipathique, vous êtes inquiétant. Quant à être laid, ce ne sera certainement pas l’avis des femmes : vous avez à présent un côté sauvage qui devrait plaire. En résumé, vous êtes très différent et c’est tout ce que nous souhaitions.
    — Parfait. Qui suis-je, alors ?
    — Un marin. C’est ce qui vous ira le mieux. Et c’est ce que désire Beaumarchais. Avez-vous déjà navigué ?
    — Je suis breton, fit le chevalier avec orgueil. La mer est l’une des deux choses que j’aime le plus au monde et

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