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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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je la connais bien.
    — À merveille ! Mais il faut à présent modifier votre allure, vous tenir moins droit. Le corps d’un marin est naturellement souple et vous l’êtes aussi mais votre passage dans l’armée, et singulièrement dans les troupes de la Maison du roi, vous a donné une raideur de maintien qu’il faut perdre. Sans aller jusqu’au dos rond que vous aviez adopté chez Beaumarchais et que vous ne pourriez garder durant des heures, il faut rentrer un peu votre tête dans vos épaules et balancer légèrement celles-ci. Essayez…
    Durant toute la soirée et toute la journée du lendemain, Gilles « répéta » docilement sous la direction de Préville. Le comédien était un maître incomparable, d’une patience et d’une finesse extrêmes. Peu à peu, il gommait l’empois militaire, la contenance rigide de l’homme de cour pour rendre à son élève la liberté de mouvements et la décontraction de son adolescence.
    — Je ne saurai plus jamais me tenir dans le monde ! fit l’élève en riant. Si je continue de vous écouter, je vais finir par mettre mes pieds sur la table.
    — Mais je l’espère bien car cela fait partie de votre personnage ! Cela dit, je ne suis pas inquiet : votre atavisme et votre bonne éducation vous rendront, quand il le faudra, votre arrogante raideur de gentilhomme. À présent, descendons s’il vous plaît dans la bibliothèque. J’ai demandé que l’on y apporte du rhum. Nous allons boire. Ou plutôt vous allez boire.
    — Comment cela : je vais boire ? Pas tout seul quand même ?
    — J’ai le foie fragile et l’on m’a interdit l’alcool. Mais un vrai marin doit boire sec. Il faut que je voie comment vous tenez la chopine.
    — Oh ! si ce n’est que cela, soyez sans inquiétude ! J’ai fait mes classes à Newport et en Virginie avec un mien ami, Tira Thocker, qui est coureur des bois dans l’État de Massachusetts… et aussi avec M. de La Fayette, ajouta-t-il en pensant à certaine cuite mémorable prise par lui au camp de Washington. Voilà une leçon qui va vous coûter cher si votre rhum est bon, mon ami…
    Il était bon. Les reins bien calés dans un large fauteuil, les pieds sur les chenêts de la cheminée où flambait un joli feu de sarments, Gilles entreprit de faire disparaître le boujaron de vieux jamaïque avec une méthode et une régularité qui firent l’admiration de son hôte. Il prenait un vif plaisir à cette expérience imprévue. Non qu’il eût particulièrement le goût de la boisson mais parce qu’à travers le cœur chaleureux du rhum, son premier contact avec son nouveau personnage lui semblait agréable et de bon augure. Préville le regardait faire en souriant ; assis de l’autre côté de la cheminée et le menton coincé dans sa main, tout en entretenant une conversation à bâtons rompus destinée visiblement à déceler l’instant où la voix du jeune homme aurait tendance à s’épaissir.
    Il ne devait jamais le savoir.
    Le liquide ambré avait seulement baissé de moitié dans la grosse bouteille noire que le reflet des flammes laquait d’or quand le roulement caractéristique annonçant un cheval lancé au galop naquit dans les profondeurs de la nuit, grandit et vint bientôt éveiller les échos de la ville déjà endormie.
    Le bruit de la course s’enfla rapidement mais se ralentit en abordant les gros pavés inégaux de la rue sur laquelle ouvrait la propriété des Préville et, finalement, s’arrêta.
    — Quelqu’un vient ! remarqua Gilles en reposant ses pieds à terre et en esquissant le geste de se lever.
    Mais Préville lui fit signe de demeurer.
    — Qui que ce soit, cela ne peut en rien vous concerner. Demeurez donc. Une visite peut, au contraire, nous donner l’occasion d’un essai. Comment vous sentez-vous ?
    — On ne peut plus lucide. Quant à votre visite, je gagerais que ce cavalier est un militaire et qu’il pèse lourd.
    Le tintement de la cloche agitée d’une main autoritaire se faisait entendre au portail ouvrant sur la cour. On put entendre ensuite le grincement du vantail, un murmure de voix confuses, le trottinement pressé du vieux valet qui revenait, doublé d’un bruit de bottes écrasant le gravier et, finalement, le grattement d’un serviteur bien stylé à la porte de la bibliothèque. Celle-ci s’ouvrit presque en même temps.
    — Monsieur, commença le maître Jacques de la maison, il y a là…
    — Monsieur, s’écria en même temps

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