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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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journal abandonné sur un coin du bureau. Un grand article signé Mirabeau s’y étalait en belle place et les quelques lignes qui tombèrent sous les yeux du jeune homme suffirent à l’éclairer sur les raisons profondes de la mauvaise humeur de son ami.
    «  Né dans l’obscurité, sans ressources que l’intrigue, le voilà ce Beaumarchais, que ses libelles avaient rendu si redoutable, chargé aujourd’hui de la haine publique. Qu’il serve à jamais d’exemple à ceux qui, de pauvres devenus riches, qui, du sein du mépris parvenus à se faire craindre, veulent perdre les autres et finissent par…  »
    — Ne lisez pas ces ordures ! s’écria Pierre-Augustin en lui arrachant la feuille. La pourriture elle-même se salirait à un tel contact ! Je sais ce que veut ce misérable Mirabeau, ce gentilhomme taré : ruiner les porteurs d’actions des pompes à eau des frères Perrier, faire reculer le progrès, et me ruiner par-dessus le marché s’il le peut.
    — Allons, c’est enfantin. Comment pourrait-il y parvenir ? Votre fortune est belle et…
    — Ma fortune ?…
    Brusquement, sa voix baissa de plusieurs tons pour atteindre au murmure tandis que, sur son visage si mobile, une gravité teintée d’angoisse prenait la place de la colère.
    — Je n’ai plus rien, mon ami… que des dettes ! Si l’État ne se décide pas à me rembourser ce qu’il doit à Rodrigue Hortalez, il ne me restera plus d’autre ressource que de partir aux États-Unis avec Thérèse et notre petite Eugénie. Et Mirabeau le sait, l’animal ! Jamais il n’aurait osé de telles injures si j’étais encore riche… mais laissons cela, s’il vous plaît ! je saurai me battre ; j’en ai tellement l’habitude. Parlons plutôt de vous… Qu’était-ce au juste que cette lettre dont votre ami, ici présent, était chargé ?
    Pour toute réponse, Tournemine la sortit de sa poche et la lui tendit tout ouverte.
    — Naturellement, vous y allez ? fit Beaumarchais après avoir lu. Ce n’est même pas la peine de discuter, j’imagine ?
    — Naturellement !
    — Vous avez pensé qu’il s’agit sans doute d’un piège, que quelqu’un doit se douter de quelque chose touchant notre tour de passe-passe et cherche à vous faire sortir de votre trou ?.
    — Je sais tout cela. Mais l’enjeu est tel que je n’ai pas le droit de refuser. Au surplus, je suis curieux…
    — Une curiosité qui peut vous coûter cher. Votre masque sera levé avant même d’avoir servi.
    — Mais je n’ai pas l’intention de le porter pour me rendre au rendez-vous. Vous avez lu la lettre : c’est à Tournemine seul que l’on parlera, non à un quelconque marin américain, puisque c’est là le personnage que Préville a choisi.
    — Et fort bien choisi. Un peu sur mon conseil d’ailleurs et à ce propos…
    Allant jusqu’à l’une des étroites armoires ménagées dans les boiseries claires de sa bibliothèque, Pierre-Augustin y prit une liasse de papiers qu’il porta sur son bureau et se mit à feuilleter. Il en tira un, orné d’un sceau de belle dimension et qui, entre des lignes écrites, comportait des blancs qu’il se mit incontinent en devoir de remplir. Quand il eut fini, il présenta la grande feuille craquante à Tournemine et celui-ci vit que c’était, dûment estampillé et signé de la main du comte de Vergennes, ministre des Affaires étrangères, un passeport autorisant le capitaine John Vaughan, de Providence (Rhode Island) à séjourner en France pour une durée indéterminée.
    Puis Beaumarchais sortit d’autres papiers d’une couleur indéfinissable cette fois, jaunis, roussis, culottés comme une vieille pipe : ceux du navire corsaire Susquehanna appartenant justement au capitaine Vaughan.
    — Voilà, dit l’écrivain en conclusion, avec ces papiers vous êtes en règle sur tout le territoire de la France. Vous pouvez aller et venir à votre gré, prendre pension dans tel hôtel qui vous conviendra. Et, à ce propos…
    Quittant une fois de plus sa table de travail, il alla plonger dans un coffre disposé dans le coin le plus sombre de la vaste pièce et en tira un sac assez lourd qui rendait un son métallique.
    — Je dois vous remettre ceci, dit-il seulement.
    Sans commentaire mais avec une certaine satisfaction, Gilles fit disparaître le sac dans l’une des vastes poches de son habit. C’était sa solde d’une année aux gardes que le roi lui faisait payer de cette façon un

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