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Le trésor

Le trésor

Titel: Le trésor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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fond des bois, se soumet au cerf. D’une autre pour laquelle il avait bien failli l’oublier…
    Un instant, et parce que son séjour chez Beaumarchais lui avait montré ce que pouvait être la vie d’un homme dans la douceur d’une maison agréable, auprès d’une femme tendre et attentive et d’un enfant bien-aimé, il maudit ce serment qu’il avait fait au roi de le servir toujours, et en tous lieux, en tous temps et en toutes circonstances, d’être sur son poing l’oiseau chasseur qui s’en va d’un vol rapide atteindre aussi sûrement qu’une balle de pistolet le but désigné. Mais quoi ? Un Tournemine pouvait-il reprendre la parole une fois donnée, conclure des arrangements avec le Ciel et avec sa conscience ?
    — Ma parole… c’est à croire que j’ai peur…
    Il avait parlé tout haut et le son de sa voix rompit le maléfice. En même temps, on gratta à sa porte et la tête du valet de tout à l’heure passa par l’ouverture pour demander s’il souhaitait descendre pour souper à la table d’hôtes ou s’il préférait qu’on lui montât son repas.
    Il vit alors que la journée entière s’était écoulée, que la nuit était venue… et qu’il était sauvé. La tentation était passée. Quels que puissent être l’attrait de l’Amérique et le charme des souvenirs d’amour, il y avait toujours sous ce grimage un peu diabolique auquel il adressa, dans le miroir, un sourire grimaçant, la vieille âme bretonne fidèle, fataliste et obstinée qui ne lui permettrait jamais de s’écarter du chemin choisi une fois pour toutes.
    — Je souperai dehors, dit-il au garçon. Défaites seulement mon sac, fermez les volets et préparez mon lit. Je rentrerai peut-être tard…
    Jetant un manteau sur ses épaules, il sortit, demandant qu’on lui appelât une voiture de place. Il était temps pour lui d’aller voir un peu à quoi ressemblait ce bateau dans lequel Marie-Antoinette allait, à partir du lendemain, remonter la Seine…
    Mais il lui fut impossible d’aller jusque-là. Quand il fit arrêter le fiacre, au petit pont qui enjambait l’égout des fossés de l’Arsenal, il s’aperçut qu’il n’était pas possible de franchir ledit petit pont qu’habituellement on pouvait traverser sans problème moyennant la somme de trois deniers. Au lieu du péage habituel, Tournemine tomba sur un poste de gardes-françaises installé là provisoirement mais solidement et qui interdisait à quiconque de s’aventurer au-delà.
    — Ordre de M. le prévôt des marchands ! lui dit le sergent qui commandait le poste. Il est interdit de s’aventurer sur le quai cette nuit.
    — Et la raison ?
    Le soldat haussa les épaules.
    — C’est à cause du bateau qui doit emmener l’Aut… enfin, la reine à Fontainebleau avec toute sa coterie demain. On l’a sorti des chantiers ce tantôt et amené au quai. Depuis que les ouvriers sont partis et ont été remplacés par des serviteurs et des soldats, personne n’a le droit d’en approcher. Des fois qu’avec leurs mains sales les gens du quartier iraient abîmer le nouveau joujou de Sa Majesté !… conclut-il avec un gros rire. D’ailleurs y a rien à voir d’autre…
    — Je pensais seulement aller jusqu’au couvent des lazaristes et faire une prière à la chapelle Saint-Bonnet…
    — Eh ben, vous la ferez demain, votre prière, quand Sa Majesté et ses petits amis seront partis. C’est prévu pour midi. Y en a à qui ça va faire bien plaisir de voir étalé sous leur nez la nouvelle folie de la dame de Trianon…
    — Qui donc ?
    Le sergent désigna de la tête la masse formidable et noire de la Bastille qui se détachait dans la nuit, si proche qu’on avait l’impression de pouvoir la toucher rien qu’en tendant la main.
    — Eux autres ! Tous ceux qu’on empile là-dedans depuis tantôt deux mois parce qu’elle a eu envie d’un collier de deux millions et qu’elle a pas voulu le payer. Ils vont être aux premières loges, demain, pour voir le spectacle. Et moi je dis quelle aurait pu aller embarquer ailleurs, à Charenton, par exemple… mais je suis sûr quelle le fait exprès, pour les narguer. Seulement ça pourrait bien pas lui porter bonheur. Eh là, vous autres, où est-ce que vous prétendez aller ?
    La fin de la phrase s’adressait à deux moines qui venaient d’apparaître et qui, eux aussi, prétendaient passer le petit pont pour regagner leur couvent. Laissant le sergent leur expliquer qu’ils

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