Le Troisième Reich, T1
de la peine capitale comme criminel de guerre, c’était la
première fois que je le voyais sans un fouet à la main ou à la ceinture. Il se
vantait en riant des innombrables flagellations auxquelles il s’était livré.
Tels furent les hommes qu’Hitler groupa autour de lui dans les
premières années où il s’élança à la conquête de la dictature, dans un pays qui
avait donné au monde Luther, Kant, Gœthe, Schiller, Bach, Beethoven et Brahms.
Le 1er avril 1920, jour où le Parti ouvrier allemand se
transforma en Parti national socialiste ouvrier allemand (nom d’où provient l’abréviation
« nazi »), Hitler quitta définitivement l’armée. Il allait désormais
mettre tout son temps au service du mouvement qu’il avait créé et il n’en
accepta jamais aucune rémunération.
On peut donc se demander de quoi il vivait. Ses compagnons de
travail dans le parti s’en étonnèrent souvent. La question fut carrément posée
par les accusations que ses collègues du comité dressèrent contre lui en
juillet 1921, et dans les termes suivants : « Quand un de nos membres
l’interroge sur ses moyens d’existence et sur sa précédente profession, il ne
manque jamais de s’énerver et de s’irriter. Jusqu’à présent, il n’a jamais
répondu à ces questions. Sa conscience ne saurait donc être claire à cet égard,
étant donné surtout que ses relations fréquentes avec les dames, devant
lesquelles il plastronne comme « roi de Munich », coûtent beaucoup d’argent. »
Hitler répondit à la question dans l’action reconventionnelle qu’il
intenta aux auteurs des accusations. Lorsque le tribunal lui demanda quels
étaient exactement ses moyens d’existence, il déclara : « Lorsque je
parle pour le compte du Parti national socialiste, je ne prends pas d’argent
pour moi ; mais je parle aussi pour d’autres organisations… et en ce cas, bien
entendu, j’accepte une rémunération. Je déjeune aussi avec différents camarades
à tour de rôle. En outre, quelques camarades de mon parti m’aident dans des
proportions modestes (24). »
Ces paroles serraient probablement de très près la vérité. Il n’est
pas douteux que certains de ses amis, fort à l’aise, comme Dietrich Eckart, Gœring
et Hanfstaengl, lui « avancèrent » des sommes pour son loyer, son
habillement et sa nourriture. Ses besoins étaient réduits. Jusqu’en 1929, il
occupa un logement de deux pièces dans un quartier habité par la petite
bourgeoisie, Thierschstrasse, près de l’Isar. L’hiver, il portait un vieil
imperméable, que ses nombreuses photographies firent connaître dans toute l’Allemagne.
En été, on le voyait souvent vêtu d’une de ces culottes courtes ( Lederhosen )
que les Bavarois affectionnent quand le temps s’y prête. En 1923, Eckart et
Esser découvrirent le Platterhof , auberge située près de Berchtesgaden
et pouvant servir de villégiature estivale à Hitler et à ses amis. Il s’éprit de
ce joli pays montagneux, et il y fit ultérieurement construire le Berghof, villa
spacieuse qui serait sa maison et où il devait passer jusqu’aux années de
guerre une grande partie de son temps.
Mais, durant la période agitée qui prit place entre 1921 et 1923,
il eut peu de temps pour les loisirs et les distractions. Il lui fallut édifier
un parti et en demeurer le maître, face à des rivaux jaloux et aussi dénués de
scrupules que lui. Le N. S. D. A. P. n’était pas le seul mouvement bavarois de
droite qui s’efforçât de se signaler à l’attention publique et d’acquérir son
appui ; en outre, il y en avait beaucoup d’autres dans toute l’étendue de
l’Allemagne.
Ajoutons que les événements et les situations changeaient et se
succédaient à un rythme étourdissant. L’homme politique devait les observer, les
jauger, s’en servir. En avril 1921, les Alliés présentèrent à l’Allemagne la
note des réparations à payer : 132 milliards de marks d’or, soit 33
milliards de dollars, et les Allemands larmoyants protestèrent qu’ils ne
pourraient jamais régler une somme aussi considérable. Le mark, normalement
coté à quatre pour un dollar, commença de baisser ; pendant l’été 1921, il
tomba à 75 pour un dollar ; un an plus tard, à 400. Erzberger fut tué en
août 1921. En juin 1922, il y eut une tentative d’assassinat contre Philipp
Scheidemann, le socialiste qui avait proclamé la République. Le 24 juin, Rathenau,
ministre des
Weitere Kostenlose Bücher