Le Troisième Reich, T1
de soldats et d’ouvriers, il réclama la démission de Hindenburg, la
suppression de l’armée régulière, ainsi que son remplacement par une garde
civique, relevant de lui et dont les officiers seraient élus par la troupe.
Hindenburg et Grœner, ne pouvant accepter ces revendications, refusèrent
de reconnaître l’autorité de ce congrès ; de son côté, Ebert s’abstint d’exécuter
ses décisions ; mais l’armée, luttant pour son existence même, exigea des
actes plus décisifs du gouvernement qu’elle consentait à soutenir. L’avant-veille
de Noël, la division de la marine populaire, sous les ordres des spartakistes
communistes, occupa la Wilhelmstrasse, fit irruption dans la Chancellerie et
coupa les fils téléphoniques. Cependant, la ligne secrète avec l’état-major
continuait de fonctionner, et Ebert put l’utiliser pour appeler au secours. L’armée
promit de lui envoyer pour le libérer la garnison de Potsdam ; mais, avant
qu’elle arrivât, les marins mutins regagnèrent leurs quartiers dans les écuries
du palais impérial, resté au pouvoir des spartakistes.
Ceux-ci, qui avaient à leur tête Karl Liebknecht et Rosa
Luxemburg, les deux agitateurs allemands les plus actifs, continuaient leurs
efforts en vue d’établir une République soviétique. Leur puissance militaire
augmentait à Berlin. La veille de Noël, la division de la marine repoussa sans
peine une tentative de la garnison de Potsdam qui voulait l’expulser des
écuries impériales. Hindenburg et Grœner demandèrent à Ebert de tenir ses
engagements et d’en finir avec les bolchévistes. Heureux de s’exécuter, il nomma
le surlendemain de Noël Gustav Noske ministre de la Défense nationale ; dès
lors, les événements se succédèrent avec une logique qui n’étonnait que ceux
qui ne connaissaient pas le nouveau ministre.
Noske, patron boucher de son métier, avait peu à peu gagné ses
galons dans le mouvement syndicaliste et chez les sociaux-démocrates ; devenu
membre du Reichstag en 1906, il était reconnu comme l’expert de ce parti pour
les questions militaires ; on le tenait aussi pour un ferme nationaliste
et une main de fer. Le prince Max de Bade l’avait choisi pour réprimer la
mutinerie navale de Kiel au début de novembre, et il l’avait réprimée. Homme
trapu, à mâchoire carrée, énergique, physiquement très fort, mais d’une
intelligence limitée – typique de son métier, disaient ses ennemis. A sa
nomination comme ministre de la Défense nationale, il déclara qu’il « fallait
quelqu’un pour faire le chien de garde ».
Il agit dès les premiers jours de janvier 1919. Entre le 10 et
le 17 (période qui fut alors qualifiée à Berlin de « semaine sanglante »),
des troupes régulières et des corps francs, sous sa direction et sous le commandement
du général von Luettwitz [22] ,
écrasèrent les spartakistes. Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht furent pris et
tués par des officiers de la division de cavalerie de la garde.
Dès qu’il n’y eut plus de combats dans Berlin, des élections
eurent lieu dans toute l’Allemagne pour l’Assemblée nationale qui devait
rédiger la nouvelle Constitution. Le scrutin (19 janvier 1919) révéla que
la grande et la moyenne bourgeoisie avaient un peu repris courage dans les deux
mois écoulés depuis la « Révolution ». Les sociaux-démocrates (socialistes
majoritaires et indépendants), qui n’avaient gouverné que parce qu’aucun autre
groupe ne voulait assumer cette charge, reçurent 13 800 000 voix sur
30 millions de suffrages exprimés, obtenant ainsi 185 des 421 sièges de l’Assemblée,
ce qui était loin de former une majorité.
Visiblement, la nouvelle Allemagne n’allait pas être édifiée par
les seules classes laborieuses. Deux partis des classes moyennes, le centre (représentant
le mouvement politique de l’Église catholique romaine) et le parti démocrate (né
d’une fusion effectuée en décembre entre l’ancien Parti progressiste et l’aile
gauche des (nationaux-libéraux), réunirent un total de 11 500 000
voix qui leur apporta 166 sièges. Ces deux partis préconisaient une République
modérée et démocratique ; il n’en existait pas moins une tendance très
prononcée en faveur d’une éventuelle restauration de la monarchie.
Les conservateurs, dont certains chefs s’étaient cachés en
novembre et dont d’autres, comme le comte Westarp, s’étaient mis sous la
protection
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