Le Troisième Reich, T1
s’inscrivit à l’université de Munich pour étudier les sciences
économiques ; mais il semble avoir surtout distribué des tracts
antisémites et combattu dans plusieurs des bandes armées qui opéraient alors en
Bavière. Il était au cœur des hostilités lorsque le régime des soviets fut
renversé à Munich, le 1er mai 1919 ; il fut d’ailleurs blessé à la
jambe. Un an plus tard, il alla entendre Hitler, fut enthousiasmé par son
éloquence, entra au parti et bientôt devint un de ses amis intimes et partisans
dévoués, en même temps que son secrétaire. Ce fut lui qui fit connaître à
Hitler les idées en matière de géopolitique du général Karl Haushofer, qui
enseignait cette science à l’université.
Hitler s’était intéressé à Hess à cause d’un essai (qui fut
primé), écrit par celui-ci pour une soutenance de thèse et intitulé :
« Comment doit être constitué l’homme qui dirigera l’Allemagne pour qu’elle
reprenne sa place ? »
Là où toute autorité s’est évanouie, seul un homme venu du
peuple peut la rétablir… Plus profond est l’enracinement du dictateur dans les
vastes masses populaires, mieux il sait les traitements psychologiques à leur
appliquer, moins les travailleurs se méfieront de lui, plus nombreux seront les
partisans qu’il s’attachera parmi les rangs les plus énergiques de la
population. Lui-même, il n’a rien de commun avec la masse ; comme tous les
grands hommes, il est d’abord une personnalité… Si la nécessité l’ordonne, il
ne recule pas devant l’effusion de sang. Les grandes questions sont toujours
réglées par le sang et par le fer… Afin d’atteindre ses buts, il est prêt à
marcher sur les corps de ses meilleurs amis… Celui qui fait la loi procède avec
une implacabilité terrible… S’il en est besoin, il les piétinera (les gens) avec
des bottes de grenadier (22)…
Il n’est pas étonnant qu’Hitler se soit senti attiré vers le
jeune homme qui avait ainsi tracé un portrait du chef qu’il n’était pas encore,
mais qu’il voulait devenir, – et qu’il devint. En dépit de son application et
de sa solennité, Hess resta un individu d’intelligence limitée, toujours prêt à
accueillir les idées folles et capable de les adopter avec un enthousiasme de
fanatique. Presque jusqu’à la fin, Hitler eut peu de partisans plus dévoués, et
en qui il eut plus confiance, que Rudolf Hess ; on peut aussi le compter
parmi ceux, bien rares, qui n’ont pas brûlé d’ambition égoïste.
Alfred Rosenberg, quoiqu’on l’ait souvent
salué comme le « chef intellectuel » du Parti nazi et même comme son « philosophe »,
était également d’intelligence médiocre. Par sa nationalité d’origine autant
que par sa formation, c’était un Russe. Ainsi que beaucoup d’« intellectuels »
russes, il avait des origines germano-baltes. Fils d’un cordonnier, il naquit
le 12 janvier 1893 à Reval (maintenant Tallinn), ville de l’Estonie qui
appartenait à l’empire tsariste depuis 1721. Il choisit de faire ses études en
Russie plutôt qu’en Allemagne et obtint un diplôme d’architecture de l’université
de Moscou en 1917. Il passa dans cette ville les années de la Révolution
bolchévique ; il est possible – ses ennemis dans le Parti nazi l’ont
assuré – qu’il ait alors caressé l’idée de se joindre aux communistes. En 1918,
cependant, il revint à Reval, voulut s’engager dans l’armée allemande quand
elle y arriva et fut refusé comme étant « Russe ». Vers la fin de
1918, il se rendit à Munich et commença par se manifester dans les milieux des
émigrés Russes Blancs.
Il fit la connaissance d’Eckart et, par lui, celle d’Hitler, et
il adhéra au parti à la fin de 1919. Le lauréat d’un examen d’architecture
devait fatalement imposer à celui qui n’avait même pas pu entrer dans une école
consacrée à cet art. Hitler fut également impressionné par la « science »
de Rosenberg ; la haine des Juifs et des bolchéviques
professée par le jeune Balte lui plut… Peu avant la mort d’Eckart, vers la fin
de 1923, il le nomma rédacteur en chef du Völkischer
Beobachter , et, durant de nombreuses années, il
continua de travestir cet esprit dépourvu de la moindre clarté, ce « philosophe »
brouillon et superficiel, en guide intellectuel du Mouvement nazi, en même
temps qu’il faisait de lui une des premières autorités en politique
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