Le Troisième Reich, T1
coopération sérieuse et effective avec
l'U.R.S.S. peut être mis en doute ».
Le raisonnement du maréchal était parfaitement logique et
l'impossibilité des gouvernements français et surtout anglais à prouver le
contraire allait s'avérer désastreuse. Mais le fait de le réitérer — avec tout
le reste de la déclaration — à cette date tardive du 21 août, alors que Vorochilov
ne pouvait ignorer la décision prise par Staline le 19 août, ne manquait pas de
perfidie.
[205] Le texte des articles essentiels est presque identique à celui du projet
présenté par Molotov à Schulenburg le 19 août et auquel Hitler, dans son
télégramme à Staline, avait donné son acceptation. Le projet russe spécifiait
que le pacte de non-agression ne serait valide que si un « protocole spécial »
était signé simultanément à ce pacte et lui était intégré (34). Selon Friedrich
Gaus qui prit part à la réunion du soir, le préambule ampoulé que voulait
adjoindre Ribbentrop pour bien souligner l'avènement de relations amicales
germano-soviétiques fut éliminé sur les instances de Staline. Le dictateur
soviétique prétendait que « le gouvernement soviétique ne pouvait brusquement
présenter au public des assurances d'amitié après avoir été pendant six ans
couvert de seaux de fumier par le gouvernement nazi (35) ».
[206] L'article VII stipulait que le traité entrerait immédiatement en vigueur après
sa signature. Dans deux États aussi totalitaires, la ratification officielle
devait évidemment se ramener à une simple formalité. Elle n'en exigea pas moins
quelques jours. Hitler avait insisté sur ce point.
[207] Et celle de la diplomatie polonaise aussi. L'ambassadeur Noël signala la
réaction du ministre des Affaires étrangères Beck à la signature du Pacte
germano-soviétique. « Beck, télégraphia-t-il à Paris, est absolument impassible
et ne semble pas inquiet le moins du monde. Il se figure qu'en substance il n'y
a presque rien de changé. »
[208] Et pourtant, comme nous l'avons vu, ce n'était pas faute d'avoir été averti
qu'Hitler faisait la cour au Kremlin. Le 1er juin, M. Coulondre, ambassadeur de
France à Berlin, avait prévenu Bonnet, le ministre des Affaires étrangères
français, que la Russie prenait une importance grandissante dans les
préoccupations d'Hitler. « Hitler se risquera à faire la guerre, écrivait
Coulondre, s'il n'a pas à se battre contre la Russie. D'un autre côté, s'il
sait qu'il devra aussi se battre contre elle, il fera marche arrière plutôt que
d'exposer à la ruine son pays, son parti et lui-même. » L'ambassadeur demandait
avec insistance la conclusion rapide des négociations anglo-françaises à Moscou
et signalait à Paris que l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Berlin avait
adressé le même appel à son gouvernement. (Livre Jaune Français, pp. 180-181.)
Le 15 août, Coulondre et Henderson rencontrèrent Weizsaecker au
ministère des Affaires Étrangères. L'ambassadeur de Grande-Bretagne informa
Londres que le secrétaire d'État était persuadé que l'Union Soviétique «
finirait par participer au partage des dépouilles de la Pologne » (Livre Bleu
britannique, p. 91), tandis que Coulondre, après son entretien avec
Weizsaecker, télégraphiait à Paris : « Il est nécessaire d'en arriver à tout
prix, et le plus tôt possible, à une solution des conversations avec les
Russes. »
Pendant les deux mois de juin et juillet, Laurence Steinhardt,
ambassadeur des États-Unis à Moscou, avait lui aussi prodigué, concernant
l'imminence d'un marché soviéto-nazi, des avertissements que le président
Roosevelt communiqua aux ambassades de Grande-Bretagne, de France et de
Pologne. Dès le 5 juillet, lorsque l'ambassadeur d'U.R.S.S., Oumansky, partit
en congé dans son pays, il emportait un message où Roosevelt déclarait à
Staline que « si son gouvernement s'alliait à Hitler, aussi sûr que la nuit
succède au jour, dès qu'Hitler aurait conquis la France, il se jetterait sur la
Russie. ( Joseph E. Davies, Mission to Moscou, p. 460.)
L'avertissement du président fut rédigé le 16 août. (U.S. Diplomatie Papers
1939, pp. 296-299.)
[209] Des
années auparavant, Hitler avait prophétiquement écrit dans Mein Kampf : « Le
fait même de conclure une alliance avec la Russie laisserait prévoir ce que
serait la prochaine guerre : il signifierait la fin de l'Allemagne. »
[210] La porte s'était à peine refermée sur
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