Le Troisième Reich, T1
générale, libre à elle! C'est tout ce
que désire l'Allemagne. La France sera « annihilée » et la Grande-Bretagne, en
bougeant, entraînera la destruction de l'Empire britannique. La Russie? Un
pacte germano-russe était sur le point de se conclure, et la Russie ne
marcherait pas. L'Amérique? Un discours du Führer avait
suffi à mettre Roosevelt en déroute; en tout cas, les
Américains ne lèveraient pas le petit doigt. La peur du Japon les ferait rester
tranquilles.
J'écoutais (rapporte Attolico) dans un silence étonné Ribbentrop
dresser ce tableau d'une guerre ad usum Germaniae que son imagination lui avait
fixée d'une façon indélébile dans l'esprit. Il ne voit rien en dehors de sa
propre vision — réellement ahurissante — d'une victoire allemande certaine,
dans tous les domaines et sur tous les adversaires susceptibles de se
présenter. Pour finir, je fis observer qu'à ce que j'avais compris, le Duce et
le Führer étaient pleinement d'accord pour se préparer en vue d'une guerre qui
ne devait pas avoir lieu tout de suite (96).
Mais le subtil Attolico n'en était pas du tout persuadé. Pendant
tout le mois de juillet, ses dépêches ne cessèrent de constituer une mise en
garde contre une action imminente de l'Allemagne en Pologne.
[189] A un moment, Ribbentrop, pris d'une exaspération manifeste, dit à Ciano : «
Nous n'avons pas besoin de vous! » A quoi Ciano rétorqua : « L'avenir nous le
dira! » D'après le journal non publié du général Halder, note en date du 14
août (101). Halder déclara tenir ces propos de Weizsaecker.
[190] Bien que les procès-verbaux allemands déclarent explicitement que Ciano tomba
d'accord avec Hitler « pour qu'aucun communiqué ne soit publié à l'issue de
l'entretien », les Allemands se hâtèrent de manquer à leur parole. Deux heures
après le départ de Ciano et sans que les Italiens aient été consultés, l'agence
officielle de presse allemande D.N.B. publia un communiqué disant que les
entretiens avaient passé en revue tous les problèmes de l'heure — en mettant
l'accent sur Dantzig — et avaient abouti à un accord à « cent pour cent ».
D'autant, ajoutait le communiqué, qu'aucun problème n'avait été laissé en
suspens et qu'il n'y aurait donc pas de nouveaux entretiens, puisque ceux-ci
seraient sans objet. Attolico fut très mécontent. Il protesta auprès des
Allemands, qu'il accusa de mauvaise foi. Il glissa à Henderson le tuyau que la
guerre était imminente. Et, dans un télégramme violent à destination de Rome,
il traita le communiqué allemand de « machiavélique », souligna que son texte
visait à lier l'Italie à l'Allemagne après que cette dernière aurait attaqué la
Pologne, et intercéda pour que Mussolini soit ferme vis-à-vis d'Hitler, exige
que les Allemands respectent les clauses consultatives du Pacte d'Acier, et, en
vertu des dites clauses, réclame un mois de délai pour résoudre la question de
Dantzig par voie diplomatique (102).
[191] La seule source dont nous disposions sur cette séance est le premier chapitre
du journal non publié du général Halder, chef de l'état-major général de
l'armée. Il porte la date du 14 août 1939. Transcrit en sténo, il constitue un
document extrêmement précieux sur les événements militaires et politiques les
plus confidentiels qui survinrent dans l'Allemagne nazie, du 14 août 1939 au 24
septembre 1942, date où son auteur fut révoqué. Le chapitre ayant trait à Obersalzberg
consiste en notes sténographiques des propos tenus par Hitler et en un résumé
que l'auteur ajouta par la suite. Il est surprenant qu'aucun éditeur américain
ou anglais n'ait publié ce journal. Nous avons pu consulter la version
allemande en écriture courante, transcrite par Halder lui-même pendant la
rédaction du présent volume. L'agenda personnel d'Hitler confirme la date de
cette réunion et ajoute qu'en dehors des commandants en chef, Brauchitsch,
Gœring, Raeder, le docteur Todt, l'ingénieur qui construisit le Mur de l'Ouest,
y assistèrent.
[192] Dahlerus déclara, le 19 mars 1946, devant le tribunal de Nuremberg, où il était
cité comme témoin à décharge de Gœring, que le feld-maréchal avait donné sa «
parole d'honneur » aux industriels britanniques qu'il ferait tout ce qui était
en son pouvoir pour empêcher la guerre. Mais l'état d'esprit de Gœring se
refléta sans doute plus fidèlement dans une déclaration qu'il fit deux jours
après son
Weitere Kostenlose Bücher