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Le Troisième Reich, T1

Le Troisième Reich, T1

Titel: Le Troisième Reich, T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Shirer
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d'intelligence et de volonté. Cet
homme et l'élite qui l'entoure deviendront les « seigneurs de la terre. »
    Ces réflexions enflammées d'un des esprits les plus originaux de
l'Allemagne trouvèrent tout naturellement un écho dans l'intellect brumeux
d'Hitler. Il se les appropria, non seulement dans leur signification, mais
aussi dans leur grotesque exagération et souvent dans les mêmes termes. « Seigneurs
de la Terre » est une locution qu'on rencontre souvent dans Mein Kampf . Il est indéniable qu'Hitler finit par se
considérer comme le surhomme annoncé par Nietzsche.
    « Quiconque veut comprendre l'Allemagne nationale-socialiste
doit connaître Wagner », disait Hitler [37] .
Cette assertion devait être fondée sur une incompréhension partielle du
caractère du grand compositeur. En effet, quoique Richard Wagner ait, comme
Hitler, haï fanatiquement les Juifs (il était convaincu qu'ils voulaient
dominer le monde par leur argent) et qu'il ait aussi détesté les parlements, la
démocratie, le matérialisme et la médiocrité de la bourgeoisie, il n'en
espérait pas moins avec ferveur que les Allemands « doués comme ils l'étaient »
deviendraient « non pas ceux qui conquièrent, mais ceux qui ennoblissent le
monde ».
    Cependant, ce ne sont pas les écrits politiques de Wagner,
mais ses admirables opéras, évocateurs de façon si vivante de l'antique
Germanie, avec ses légendes héroïques, ses dieux païens et ses héros guerriers,
ses démons et ses dragons, ses luttes sanglant, ses mœurs et ses conventions
primitives, son sens du destin, de l'amour splendide de la vie et de la
noblesse de la mort, qui inspirèrent les mythes de l'Allemagne moderne et lui
donnèrent sa Weltanschauung germanique, dont Hitler et ses nazis purent
non sans quelque justification s'emparer.
    Hitler, dès sa jeunesse, aima et admira Wagner. Et même, alors que sa fin approchait, dans l'humide et sombre
casemate du quartier général, sur le front russe, tandis que son monde et ses
rêves commençaient à s'écrouler, il se plaisait à évoquer les temps où il avait
entendu les grandes œuvres wagnériennes, à dire ce qu'elles représentaient pour
lui, l'inspiration qu'il avait reçue du festival de Bayreuth et de ses
innombrables visites à Haus Wahnfried, la demeure du compositeur, où son fils
Siegfried Wagner vivaitencore
avec sa femme Winifred, d'origine anglaise et qui compta quelque temps parmi
ses connaissances les plus appréciées.
    « Quelle joie m'a donnée chacune des œuvres de Wagner !»,
s'écria Hitler le soir du 24 janvier 1942, peu de temps après les premières
désastreuses défaites subies en Russie. Il s'adressait alors à ses généraux et
à ses compagnons du parti; Himmler s'y trouvait; c'était au fond de l'abri
souterrain de la Wolfschanze (Brèche aux Loups), à Rastenburg, en
Prusse-Orientale. Au-dehors sévissaient la neige et un froid arctique, éléments
détestés et redoutés par lui, et qui avaient contribué au premier échec
militaire allemand de la guerre.
    Mais, dans la chaleur de la casemate, il revint par la pensée,
ce soir-là au moins, sur une des circons tances les
plus inspirantes de sa vie. « Je me rappelle, dit-il, mon émotion la première
fois que je pénétrai à Wahnfried. En parlant
d'émotion, je reste au-dessous de la vérité. A mes pires moments, j'y trouvai
toujours un réconfort, même auprès de Siegfried Wagner; nous nous appelions par
nos prénoms. Je les aimais tous, et j'aime aussi Wahnfried... Les dix jours de
Bayreuth furent toujours une des périodes bénies de mon existence, et je me
réjouis à l'idée qu'un jour je pourrai recommencer ce pèlerinage!... Le
lendemain de la dernière journée du festival, je suis toujours pris d'une
grande tristesse, comme lorsqu'on dépouille de ses ornements l'arbre de Noël
(25). »
    Quoique, dans son soliloque de ce soir-là, Hitler ait répété
que, pour lui, Tristan et Isolde était « le chef-d'œuvre de Wagner »,
c'est l'extraordinaire Tétralogie, série de quatre opéras inspirés par la
grande chanson de geste allemande, le Nibelungenlied , et auxquels le
compositeur travailla pendant près de vingt-cinq ans, qui donna à l'Allemagne,
et particulièrement au Troisième Reich, l'élément le plus important de son
mythe germanique primitif.
    Les mythes d'un peuple sont souvent la plus haute et la plus
authentique expression de son âme et de sa culture, et c'est plus vrai en
Allemagne que partout

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