Le Troisième Reich, T1
folie en ce qui concernait la question
raciale et celle de la destinée germanique?
La part principale qu'y prit Gobineau fut un ouvrage en quatre
volumes, publié à Paris de 1853 à 1855 et intitulé Essai sur l'inégalité des
races humaines . Il est assez ironique que cet aristocrate français, après
avoir été officier de la garde royale, ait commencé sa carrière publique comme chef
de cabinet [38] d'Alexis de Tocqueville lorsque l'éminent auteur de La Démocratie en
Amérique occupa quelque temps des fonctions officielles en 1848.
Il était alors allé à Hanovre et à Francfort en qualité de
diplomate, et ce fut de ses contacts avec les Allemands, plutôt qu'avec
Tocqueville, qu'il tira la matière de ses théories sur les inégalités raciales;
il a cependant avoué qu'il avait écrit ses quatre volumes surtout pour établir
la supériorité de son ascendance aristocratique personnelle.
Pour Gobineau, ainsi qu'il l'a déclaré dans sa dédicace au roi
de Hanovre, la clé de l'histoire et de la civilisation est la race. Selon lui,
la question raciale domine tous les autres problèmes de l'histoire, et
l'inégalité des races suffit à expliquer comment et de quelle façon s'est accompli
le destin des peuples. Il y a trois races principales, la blanche, la jaune et
la noire, la blanche étant la supérieure. L'histoire, estime-t-il, montre que
la civilisation tout entière découle de la race blanche, et qu'aucune ne
saurait exister sans le concours de celle-ci. Le joyau le plus noble de la race
blanche est l'Aryen, élément de cette illustre famille humaine dont il va
rechercher les origines en Asie centrale.
Malheureusement, dit Gobineau, l'Aryen contemporain a souffert
de mélanges avec des races inférieures, comme on pouvait le voir dans le sud de
l'Europe à son époque. Cependant, dans le nord-ouest, au-dessus d'une ligne
qui, en gros, suit le cours de la Seine et passe à l'est de la Suisse, l'Aryen,
tout en n'étant pas complètement pur constitue quand même une race supérieure.
Cela comprenait une partie des Français, tous les Anglais et tous les
Irlandais, les habitants des Pays-Bas, de la Rhénanie et du Hanovre, et les
Scandinaves. Il semble que Gobineau en excluait la masse des Allemands, qui
vivaient à l'est et au sud-est de la ligne. Ce détail suscita les commentaires
des nazis quand ils adoptèrent sa doctrine.
Dans l'esprit de Gobineau, cependant, les Allemands, ou tout au
moins les Allemands de l'ouest, étaient probablement les meilleurs des Aryens,
et cette constatation-là les nazis ne la discutèrent point. Il estimait que les
Allemands apportaient une amélioration partout où ils allaient; c'était vrai
même pour l'empire romain. Les tribus germaines qualifiées barbares, qui conquirent
Rome et brisèrent son empire, rendirent un service signalé à la civilisation,
car les Romains au IVe siècle n'étaient guère supérieurs à des bâtards
dégénérés, tandis que les Germain étaient des Aryens relativement purs.
L'Allemand de race aryenne lui apparaît comme un être de puissance, et tout ce
qu'il pense déclare et fait comme de la plus grande importance.
Les idées de Gobineau furent rapidement adoptées en Allemagne.
Wagner, que le Français rencontra en 1876, vers la fin de sa vie (il mourut en
1882), les épousa d'enthousiasme, et des sociétés Gobineau ne tardèrent pas à
se fonder partout en Allemagne [39]
L’ETRANGE VIE ET L’ŒUVRE
INSOLITE DE H.S CHAMBERLAIN
Parmi les membres les plus assidus des Amis de Gobineau,
association allemande, figurait un Anglais, Houston Stewart Chamberlain, dont
la vie et l'œuvre constituent l'une des ironies les plus fascinantes dans
l'inexorable processus historique qui devait amener la montée et la chute du
Troisième Reich.
Ce Britannique de belle lignée — fils d'amiral, il avait pour
oncles un maréchal (Sir Neville Chamberlain) et deux généraux — naquit en 1855,
à Portsmouth. Sa famille le destinait à la marine ou à
l'armée; mais sa santé délicate ruina ces projets. Le jeune homme fit ses
études en France et à Genève, où il s'acclimata si bien
que le français devint sa langue préférée. Il était encore adolescent quand le
destin le mit, successivement, en présence de deux
Allemands, — rencontre décisive qui devait le pousser irrésistiblement vers
l'univers germanique. Il devait en effet devenir l'un des
grands penseurs de l'Allemagne d'alors, en prendre la nationalité et, même,
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