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Le Troisième Reich, T1

Le Troisième Reich, T1

Titel: Le Troisième Reich, T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Shirer
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mais
également une nécessité théorique, une exigence de la logique. Le concept de
l'État, implique celui de la guerre, car l'essence de l'État est la
puissance... Espérer que la guerre soit à jamais bannie du monde est absurde et
profondément immoral. Une telle hypothèse causerait l'atrophie de nombreuses
forces essentielles et sublimes de l'âme humaine... Un peuple qui s'attache à
l'espoir chimérique d'une paix perpétuelle finit également par se pourrir dans
son superbe isolement...
    Comme Gœthe, Nietzsche n'avait pas une bien haute opinion du peuple
allemand [35] ;
sur d'autres points également, les diatribes de ce génie mégalomane diffèrent
de celles des chauvinistes penseurs allemands du XIXe siècle.
    En fait, il regardait la plupart d'entre eux, sans en excepter
Fichte ni Hegel, comme des « escrocs inconscients » et il raillait « la
tartuferie du vieux Kant ». « Les Allemands, écrit-il dans Ecce Homo ,
n'imaginent pas à quel degré ils sont vils » et il conclut que « là où
l'Allemagne pénètre, elle détruit la civilisation ». Il tient les chrétiens
pour aussi responsables que les Juifs de la « moralité de servitude » qui règne
sur le globe. Il ne fut jamais antisémite. Parfois, il s'effrayait de l'avenir
de l'Allemagne et, dans ses dernières années, avant que son intelligence ne
sombrât dans la folie, il alla jusqu'à envisager l'idée d'une union européenne
et d'un gouvernement mondial.
    A mon sens, pourtant, toute personne ayant vécu dans cette
Allemagne hitlérienne devait être frappée — et surprise — par l'empreinte dont
Nietzsche avait marqué ses habitants. Ses livres sont peut-être pleins, comme
l'a dit Santayana, d'« imbécillités géniales » et de « blasphèmes enfantins »,
mais les écrivailleurs nazis ne se sont jamais lassés de les piller. Hitler,
qui fit de fréquentes visites au musée Nietzsche de Weimar, manifesta son
respect pour le philosophe en se faisant photographier devant son buste dans
une attitude admirative.
    Ce n'est pas sans raison que les nazis se sont ainsi approprié
Nietzsche comme l'un des initiateurs de leur Weltanschauung . N'avait-il
pas vitupéré la démocratie et le parlementarisme, prôné la volonté de
puissance, fait l'éloge de la guerre, annoncé la venue de la race maîtresse et
du surhomme, tout cela sous les formes les plus affirmatives? Les nazis
pouvaient le citer à propos de tout sujet imaginable, et ils ne s'en privaient
pas. Sur le christianisme : « le plus grand des fléaux, la plus énorme et la
plus profonde perversion... je dis que c'est la perpétuelle souillure de
l'humanité... ce christianisme n'est autre que la doctrine typique des
socialistes. »
    Sur l'État, le pouvoir et le monde de lutte cruelle où l'homme
doit se débattre : « La société n'a jamais vu dans la vertu qu'un moyen
d'accéder à la force, à la puissance et à l'ordre. L'État, ( c'est)
l'immoralité organisée... la volonté de puissance, de conquête et de
vengeance... La société n'a pas le droit d'exister en soi, mais seulement comme
une infrastructure, un point de départ d'où une race choisie d'êtres peut se
hausser jusqu'à ses plus hauts devoirs... Le droit de vivre, le droit de
travailler, le droit d'être heureux n'existent pas; à cet égard, l'homme n'est
pas différent du ver le plus misérable [36] .
» Il exalta le surhomme, bête de proie, « magnifique brute blonde, avidement à
l'affût de la victoire et du butin ».
    Sur la guerre, Nietzsche suivait l'opinion de presque tous
les autres penseurs allemands du XIXe siècle. Il proclama, dans le style
sombrement solennel qu'il adopte pour Ainsi parlait Zarathoustra : «
Vous apprécierez dans la paix le moyen d'amener une autre guerre, et vous
préférerez une paix courte à une longue. Je vous commande non de travailler,
mais de combattre. Je vous convie non à la paix, mais à la victoire... Vous
prétendez qu'une bonne cause sanctifie même la guerre? Moi, je vous dis : c'est
la bonne guerre qui sanctifie toute cause. La guerre et le courage ont accompli
plus de grandes actions que la charité. »
    Nietzsche prédit aussi l'avènement de l'élite destinée à régner
sur le monde et d'où surgirait le surhomme. Il s'écrie dans La volonté de
puissance : « Une race audacieuse et souveraine s'élève... Le but devrait
consister à préparer un renversement des valeurs en faveur d'une sorte d'homme
particulièrement forte et grandement douée

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