Le Troisième Reich, T2
d’extrême
nervosité et de grande agitation ».
Il me confia (écrivit par la suite le médiateur suédois) qu’il
avait toujours soupçonné l’Angleterre de chercher la guerre. Il me dit ensuite
qu’il écraserait la Pologne et en annexerait la totalité.
Il s’excita de plus en plus et commença d’agiter les bras
en me hurlant au visage : « Si l’Angleterre veut se battre pendant un
an, je combattrai un an ; si elle veut se battre pendant deux ans, je me
battrai pendant deux ans. » Il s’arrêta, puis se mit à hurler, sa voix
poussant jusqu’à l’aigu, et avec des gestes de bras frénétiques : « Si
l’Angleterre veut se battre pendant trois ans, je me battrai pendant trois ans… »
Les mouvements de son corps commencèrent alors à suivre
ceux de ses bras et lorsqu’il mugit enfin : Und wenn es erforderlich ist, will ich zehn Jahre kämpfen (Et, s’il le faut, je me battrai pendant
dix ans !) il brandit le poing et se pencha en avant à en toucher presque
le sol (2).
Et pourtant, malgré toute son hystérie, Hitler n’était pas du
tout convaincu qu’il devrait se battre contre la Grande-Bretagne. Les colonnes
armées allemandes avaient déjà avancé de plusieurs kilomètres en Pologne et
elles progressaient rapidement, tandis que la plupart des villes polonaises, y
compris Varsovie, étaient bombardées et comptaient déjà un nombre considérable
de victimes civiles. Mais rien, en provenance de Londres ou de Paris, ne venait
témoigner que la Grande-Bretagne et la France eussent la moindre hâte de tenir
leurs engagements envers la Pologne.
Leur attitude semblait claire, mais Dahlems et
Henderson paraissent avoir tout fait pour embrouiller les choses.
A dix heures trente, l’ambassadeur de Grande-Bretagne téléphona
un message à Halifax.
D’après les renseignements que je possède, les Polonais ont
fait sauter le pont de Dirschau cette nuit [2] .
Et des combats ont eu lieu à Dantzig. Hitler a donné l’ordre de rejeter les
Polonais derrière la ligne de délimitation et a enjoint à Gœring de détruire
les forces aériennes polonaises stationnées le long de la frontière.
Mais, à la fin de sa dépêche, Henderson ajoutait :
Je tiens ces renseignements de Gœring en personne. Hitler
demandera peut-être à me voir après le Reichstag, dans un
ultime effort pour sauver la paix (3).
Quelle paix ? La paix avec la Grande-Bretagne ? Depuis
six heures, l’Allemagne, avec toute sa puissance militaire, était en guerre – contre
l’alliée de la Grande-Bretagne !
Hitler ne convoqua pas Henderson après son discours au Reichstag, et l’ambassadeur qui avait complaisamment transmis à
Londres les mensonges de Gœring sur l’agression polonaise se découragea – mais
pas complètement. A dix heures cinquante, il téléphona un nouveau message à
Halifax : une idée nouvelle avait surgi dans son esprit fertile mais
confus.
Je sens de mon devoir, disait-il, si ténu que soit l’espoir,
d’exprimer la conviction qu’il nous reste peut-être une chance de sauver la
paix. Il faudrait que le maréchal Smigly-Rydz se déclare prêt à se rendre
immédiatement en Allemagne, à titre de soldat et de plénipotentiaire, pour
discuter de l’ensemble du problème avec le feld-maréchal Gœring (4).
Pas une seconde, semble-t-il, l’idée n’est venue à ce singulier
ambassadeur de Grande-Bretagne que Smigly-Rydz était plutôt occupé à repousser
l’attaque massive et non provoquée des Allemands, et qu’il ne pouvait se
libérer pour se rendre à Berlin en qualité de « plénipotentiaire », ce
qui équivaudrait, étant donné les circonstances, à une capitulation pure et
simple.
Dahlerus fit preuve de plus d’activité encore que Henderson en
ce premier jour de l’attaque allemande contre la Pologne. A huit heures du
matin, il était allé trouver Gœring, qui lui annonça que « la guerre avait
éclaté, parce que les Polonais avaient attaqué la station de radio allemande de
Gleiwitz et fait sauter un pont près de Dirschau ». Le Suédois s’empressa
d’appeler Londres pour informer le Foreign Office de cette nouvelle.
« J’avertis mon interlocuteur, déclara-t-il plus tard au
cours de son contre-interrogatoire à Nuremberg, que, selon les renseignements
qui m’avaient été communiqués, les Polonais avaient passé à l’attaque, et l’on
se demanda naturellement ce qui me prenait d’annoncer une telle nouvelle (5). » Mais ce
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