Le Troisième Reich, T2
Chamberlain était parvenu au bout de la route. Trente-deux
heures plus tôt, environ, il avait averti Hitler que, si l’Allemagne ne
retirait pas ses troupes, la Grande-Bretagne entrerait en guerre. Il n’avait
pas obtenu de réponse et il était désormais résolu à tenir parole. La veille il
avait craint, ainsi que Charles Corbin, ambassadeur de France à Londres, en
avait informé à quatorze heures trente Bonnet, toujours indécis, qu’Hitler
différait délibérément sa réponse de manière à s’emparer du maximum de
territoire polonais ; une fois maître de Dantzig, du Corridor et d’autres
zones, il ferait une « magnanime » proposition de paix basée sur les
16 points du 21 août (23).
Pour éviter de tomber dans ce piège, Halifax avait proposé aux
Français, si le gouvernement allemand ne donnait pas, sous quelques heures, de
réponse favorable aux communications franco-britanniques du 1er septembre,
que soit proclamé l’état de guerre entre les nations occidentales et l’Allemagne.
A la suite d’une réunion du cabinet britannique dans l’après-midi du 2 septembre,
où fut prise la décision définitive, Halifax suggéra spécifiquement que les
deux alliés présentent à minuit à l’Allemagne un ultimatum devant expirer le 3 septembre,
à cinq heures du matin (24). Bonnet, lui, ne voulut pas entendre parler d’un
ultimatum aussi précipité.
En fait, intérieurement divisé comme il l’était, le cabinet
français avait passé une très mauvaise semaine avant de se décider à remplir
avant tout les obligations de la France envers la Pologne et envers la
Grande-Bretagne. Au cours de la sombre journée du 23 août, atterré par la
nouvelle que Ribbentrop était arrivé à Moscou pour conclure un pacte de
non-agression germano-soviétique, Bonnet avait réussi à persuader Daladier de
convoquer le conseil supérieur de la Défense Nationale afin d’examiner ce que
devait faire la France [8] .
En dehors du président Daladier et de Bonnet, les ministres des trois armes, le
général Gamelin, les chefs d’état-major de la marine et de l’aviation
participèrent à cette réunion.
Le procès-verbal établit que Daladier posa trois questions :
1. La France peut-elle sans réagir assister à la
disparition, de la carte d’Europe, de la Pologne et de la Roumanie ou de l’une
de ces deux Puissances ?
2. Quels moyens a-t-elle de s’y opposer ?
3. Quelles sont les mesures à prendre dans l’immédiat ?
Bonnet lui-même, après avoir exposé la gravité de l’évolution
des événements, posa une question qui ne devait plus cesser de le tourmenter
jusqu’à la fin :
Compte tenu de cette situation, devons-nous rester fidèles
à nos engagements et entrer en guerre immédiatement ou reconsidérer notre
attitude et profiter du répit ainsi obtenu ?… La réponse à la question
posée est d’ordre essentiellement militaire.
Ainsi mis sur la sellette, Gamelin et Darlan répondirent que :
… l’armée et la marine étaient prêtes. Au début d’un
conflit, leur action contre l’Allemagne ne pourrait être que limitée, mais la
mobilisation française devait par elle-même apporter un certain soulagement à
la Pologne en immobilisant sur nos frontières un certain nombre de grandes
unités allemandes.
… Interrogé sur la durée de la résistance qu’étaient
susceptibles de fournir la Pologne et la Roumanie, le général Gamelin répondit
qu’il croyait à une résistance polonaise honorable, qui empêcherait la masse
des forces allemandes de se retourner contre la France avant le printemps prochain,
moment où l’Angleterre serait à ses côtés [9] .
Après de nombreux pourparlers, les Français finirent par arriver
à une décision qui fut dûment portée au procès-verbal de la séance.
Au cours de la discussion, il est souligné que, si nous
devons être plus forts dans quelques mois, l’Allemagne le sera encore davantage,
car elle aura les ressources polonaises et roumaines à sa disposition.
En conséquence, la France n’a pas le choix.
La seule solution est de tenir les engagements que nous
avons pris envers la Pologne antérieurement à l’ouverture des négociations avec
l’U. R. S. S.
Sa résolution prise, le gouvernement français passa à l’action. A
la suite de cette conférence du 23 août, l’alerte fut donnée, et
tous les régiments de couverture occupèrent leurs positions de combat. Le
lendemain, 360 000 réservistes
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