Le vétéran

problèmes.
    En été, le commandant Fallon n'aurait été accompagné que de deux jeunes copilotes, mais à la fin du mois de janvier, les vents de face portent à
    treize heures de cale à cale la durée du vol Bangkok-Londres, justifiant la présence d'un commandant de bord de relève. Personnellement, Adrian Fallon jugeait cette mesure superflue. ¿ l'arrière du poste de pilotage, sur le côté gauche, se trouve une petite cabine équipée de deux couchettes. fi est tout à fait courant que le commandant mette le pilotage automatique sous la surveillance de ses copilotes pour s'accorder quatre ou cinq heures de sommeil. Le règlement étant ce qu'il est, ils étaient quand même quatre au lieu de trois.
    Comme le quatuor franchissait le dernier des tunnels menant vers l'avion encore vide, Fallon fit un signe au plus jeune de ses deux copilotes.
    - Désolé, Jim, visite d'inspection.
    Le jeune homme, qui s'était extasié sur les dernières lueurs de Bangkok, hocha la tête et poussa la porte qui s'ouvrait au bout du tunnel pour se glisser dans la nuit moite. Cette corvée n'était du go˚t de personne, mais il fallait bien s'en acquitter, et elle
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    revenait habituellement au plus jeune d'entre eux. Si l'on enfermait un Jumbo Jet dans un caisson, du nez de l'appareil à l'empennage, et du bout de l'aile droite à celui de la gauche, l'espace ainsi délimité couvrirait un bon arpent. La t‚che de l'inspecteur consiste à faire le tour de l'appareil en s'assurant que tous les éléments - et rien qu'eux - sont bien à leur place. Un panneau peut s'être détaché, une flaque peut indiquer une fuite que les mécaniciens n'ont pas décelée. Soit dit en passant, il y a mécaniciens et mécaniciens. Les compagnies aériennes préfèrent qu'un de leurs membres se charge des vérifications.
    H arrive que la température extérieure descende largement au-dessous de zéro, ou qu'on se trouve en pleine mousson tropicale. Sale coup. Dans ces conditions, le travailleur de force à trois galons revient au bout de vingt minutes trempé de sueur et dévoré par les moustiques, mais tout à fait opérationnel par ailleurs. Le commandant Fallon gravit les marches qui le menaient vers son territoire et entra dans le cockpit. Les deux commandants et le copilote ne tardèrent pas à ôter leur veste, qu'ils suspendirent derrière la porte des lavabos avant de s'installer à leur poste. Fallon s'attribua bien entendu le fauteuil de gauche et laissa celui de droite à
    son copilote. Pour ne pas gêner le passage, le commandant de bord d'assistance se retira dans la salle de repos afin d'étudier les résultats boursiers.
    Au début de sa carrière, lorsqu'il était passé des vols intérieurs aux longs-courriers, Fallon travaillait encore avec des navigateurs et des mécaniciens de bord. Son mécanicien avait été remplacé par un équipement technologique qui couvrait le plafond et lui faisait face sur toute la largeur du cockpit. Assez de cadrans, de compteurs kilométriques, de manettes et de boutons pour assurer toutes les fonctions d'un mécanicien, et même davantage. quant à son navigateur, il se réduisait à trois systèmes de positionnement par inertie qui faisaient le travail d'un navigateur, la rapidité en plus.
    Tandis que le copilote procédait aux vérifications d'avant décollage qui s'étendaient sur cinq listes différentes, Fallon jeta un coup d'ceil au devis de masse qu'il devrait signer dès qu'on lui aurait confirmé le chargement des bagages dans la soute et que Mr Palfrey aurait confronté le nombre de passagers présents à celui annoncé sur la liste. La hantise d'un commandant n'est

    pas tant le voyageur sans valises - on peut toujours les faire suivre - que la présence d'un bagage dont le propriétaire a filé. Dans ces cas-là, il faut décharger la soute jusqu'à ce qu'on mette la main sur le bagage indésirable. qui sait en effet ce qu'il peut contenir.
    L'appareil était toujours alimenté par son groupe auxiliaire de puissance, l'équivalent, en fait, d'un cinquième réacteur dont peu de gens connaissent l'existence. Sur un avion aussi gigantesque, le groupe auxiliaire est assez puissant pour faire voler un petit avion de chasse. Sa puissance assure le fonctionnement de tout ce qui se trouve à l'intérieur de l'appareil, sans l'aide d'une source d'énergie extérieure : les lumières, la climatisation, l'allumage du réacteur, et ainsi de suite.
    Dans la salle d'embarquement de la classe