Le vétéran
annales situent plus précisément l'époque des pluies diluviennes. C'était en l'an 1544, au mois de juillet, et la pluie s'est mise à tomber dans la nuit du 2.
Conclusion
- Le jour du Palio, dit l'Américain. Et aussi le jour de la Libération.
L'Allemand fit un sourire.
- La date du Palio a été fixée ultérieurement, et celle du départ de la Wehrmacht est pure coÔncidence.
- Mais elle est revenue. quatre cents ans plus tard, elle est revenue.
- Je le crois, fit doucement l'Allemand.
- Pour soigner des soldats, comme ceux qui l'ont violentée.
- Oui.
- Et les marques sur ses mains, ce sont les plaies de la crucifixion ?
- Oui.
Le touriste contempla la porte de chêne.
- Et les taches, c'est son sang ?
- Oui.
- Oh, mon Dieu..., murmura le touriste.
H demeura pensif quelques instants, avant de demander :
- Vous entretenez ce jardin pour lui rendre hommage ?
- Je viens chaque été. Je balaie les dalles, je m'occupe des rosiers. C'est ma manière de la remercier. Peut-être que là o˘ elle est, elle le sait.
Mais ce n'est pas s˚r.
- Nous sommes le 2 juin. Vous croyez qu'elle va revenir ?
- «a se peut. Mais j'en doute fort. Pourtant, il y a une chose que je peux vous garantir : personne - homme, femme ou enfant - ne mourra cette nuit à
Sienne.
- H doit y avoir des frais, conclut le touriste. H faut de l'argent pour entretenir tout ça. Si je peux faire...
183
- Pas vraiment, répondit l'autre en haussant les épaules. H y a un tronc là-bas, sur le banc près du mur. D est destiné aux orphelins de Sienne. Je pense que ça lui aurait plu.
L'Américain était aussi généreux que tous ses compatriotes. H fouilla dans sa poche et en retira une liasse de billets. Se tournant vers le tronc, il en fourra une douzaine à l'intérieur.
- Monsieur, dit-il à l'Allemand quand il eut aidé sa femme à se relever, je vais bientôt quitter l'Italie et rentrer chez moi dans le Kansas. Je vais m'occuper de mon ranch et élever mon bétail. Mais toute ma vie, je me souviendrai que je me suis trouvé dans la cour o˘ elle est morte, et je n'oublierai jamais l'histoire de Caterina délia Misericordia. Allez, viens mon cour, on va rejoindre la foule.
Sortant de la cour, ils s'en allèrent dans la direction d'o˘ venait la rumeur des festivités. Au bout de quelques minutes, une femme surgit de l'ombre dense du cloître, o˘ elle se tenait cachée. Elle aussi était vêtue d'un Jean délavé. Elle portait des tresses africaines, un collier ethnique autour du cou et une guitare accrochée dans le dos. Elle tenait dans la main droite un encombrant sac à dos, et son sac de voyage dans la gauche.
Elle s'approcha de l'homme et sortit un joint de la poche de sa veste. Elle l'alluma et tira une longue bouffée avant de le passer à son compagnon.
- Combien il a donné ? demanda-t-elle.
- Cinq cents dollars.
L'homme avait laissé tomber son accent allemand pour reprendre celui de Woodstock et de la côte Ouest. Il vida la boîte en bois pour fourrer la liasse de dollars dans la poche de
sa chemise.
- C'est une belle histoire, déclara son acolyte. Et en plus tu la racontes bien.
- Je suis d'accord, acquiesça modestement le hippie en chargeant son sac à
dos pour partir. Et tu sais quoi ? Elle marche à tous les coups.
Un citoyen au-dessus de tout soupçon
Le trajet du retour était toujours celui qu'il préférait. En pilotant pendant trente ans les énormes tubes en aluminium de la British Airways, il avait eu l'occasion de visiter plus de soixante-dix métropoles, des capitales pour la plupart, et l'enthousiasme débordant des débuts s'était depuis longtemps émoussé. Trente ans auparavant, le sémillant jeune copilote, libre de toute entrave, arborant sur chaque manche ses deux galons tout neufs, s'était régalé des destinations lointaines. Les longues escales lui avaient permis d'explorer la vie nocturne des villes européennes et américaines, et de faire quelques visites guidées des temples et des pagodes de l'Extrême-Orient. Désormais, il lui tardait seulement de retrouver sa maison près de Dorking.
Par le passé, il avait eu des liaisons aussi brèves que torrides avec les plus jolies hôtesses, avant de convoler en justes noces avec Susan, qui avait mis un terme à ce genre d'agissements. Cinq mille nuits d'hôtel ne l'avaient rendu que plus impatient de se glisser entre ses draps et de respirer le parfum à la lavande de Susan. La naissance d'un fils et d'une fille - Charles,
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