Le vétéran

voir avec Bangkok, o˘ il faisait encore vingt-six degrés centigrades aux alentours de minuit, et o˘ le taux d'humidité avoisinait les quatre-vingt-dix-huit pour cent.
    quelqu'un frappa à la porte du poste de pilotage. Le chef de cabine apportait la liste des passagers, qu'il avait dénombrés avec l'aide du personnel de bord.
    - quatre cent cinq, commandant.
    Le chiffre correspondait. Fallon signa le devis de masse et le remit à
    Palfrey, qui redescendit pour le faire passer à l'employé de la British Airways par la dernière porte ouverte. ¿ l'extérieur du mastodonte volant, les derniers larbins achevaient leurs t‚ches serviles. Us fermèrent la soute et débranchèrent la tuyauterie tandis que les véhicules reculaient à
    une distance respectueuse. Le monstre était sur le point d'allumer ses quatre réacteurs surpuissants pour se mettre à rouler sur la piste.
    En première classe, Mr Seymour avait accepté qu'on le débarrasse de sa belle veste en soie, suspendue dans le vestiaire à l'avant de l'appareil. H
    n'enleva pas sa cravate en soie, mais desserra quand même le noud. Une coupe de Champagne pétillait à côté de lui, et le chef de cabine lui avait apporté un numéro récent du Financial Times et le Daily Telegraph. Snob jusqu'au bout des ongles, Mr Palfrey appréciait énormément ce qu'il appelait ´ la qualité ª. Dans un monde o˘ même les stars hollywoodiennes ressemblaient à des dames-pipi, il était très attentif à la qualité.
    Dans le cockpit, Fallon procéda aux vérifications de démarrage. Jetant un regard à l'extérieur, il aperçut le véhicule de trac-193
    tion et le sous-fifre anonyme mais indispensable - dans la mesure o˘ il contrôlait Speedbird One Zéro - qu'on surnomme quelquefois Tractor Joe.
    Sans lui, l'avion n'irait nulle part : son nez était en effet dirigé vers le terminal et il ne pouvait pas faire demi-tour sans assistance.
    Le contrôle au sol donna à Fallon l'autorisation de mise en route. En même temps, le véhicule de Tractor Joe, minuscule mais extrêmement puissant, commença à entraîner le 747-400 vers l'arrière et les réacteurs se mirent en marche. Pour cela, Fallon n'avait pas besoin d'une source d'énergie extérieure. Son groupe auxiliaire de puissance suffisait amplement.
    Sur ordre de Fallon, son copilote tendit le bras vers le tableau de bord pour allumer le bouton de démarrage du réacteur numéro 4, dont il enclencha également le bouton de contrôle carburant. Il répéta l'opération pour les trois autres réacteurs. Pendant ce temps, le contrôle automatique de carburant amena les réacteurs jusqu'au régime de ralenti.
    Tractor Joe fit virer l'appareil de quatre-vingt-dix degrés afin que son nez soit tourné vers la piste sans que le souffle de ses réacteurs balaie tout dans son sillage. quand il eut terminé, il appela le cockpit avec sa radio, dont le cordon était toujours branché près de la roue avant de l'appareil. Il demandait au pilote de freiner. Il avait d'ailleurs tout à
    fait raison, ayant bien l'intention de vivre longtemps. Pour se déconnecter, il lui fallait descendre de son véhicule, marcher jusqu'au nez du Jumbo et retirer le cordon radio de la prise électrique. Si Tractor Joe disparaissait sous la roue avant de l'appareil au cours de la manouvre, il était s˚r d'être transformé en viande hachée. Fallon freina et lui donna le feu vert. Cinquante pieds au-dessous de lui, le ThaÔlandais retira le cordon, recula de quelques pas et brandit le drapeau, conformément au règlement. Fallon agita la main pour le remercier et le véhicule de traction s'éloigna. Le contrôle au sol donna l'autorisation de rouler sur la piste et mit le pilote en contact avec la tour de contrôle.
    Dans la rangée 34, la famille Higgins avait fini par s'installer. Us avaient eu de la chance. Le fauteuil G étant inoccupé, ils avaient une rangée entière à leur disposition. John Higgins choi-194
    sit le D, côté allée, tandis que sa femme s'asseyait sur le G au bout de la rangée, près de l'autre allée. Julie était installée au milieu, harcelant sa poupée pour s'assurer qu'elle était à son aise et qu'elle passerait une bonne nuit.
    Speedbird One Zéro roulait sur le taxiway vers la piste de décollage, son énorme carcasse entraînée seulement par la roue avant du train d'atterrissage, commandée par la main gauche de Fallon sur le joystick. H
    gardait en permanence le contact avec la tour de contrôle. Arrivé au