Le vétéran

touriste, les Higgins et leur fille Julie étaient déjà fatigués. La fillette commençait à devenir grincheuse. Ils avaient quitté leur hôtel deux étoiles quatre heures auparavant, et depuis, c'avait été le parcours du combattant - le lot de tous les touristes à notre époque. Charger les bagages dans la soute du bus en s'assurant qu'on n'a rien oublié, faire la queue, rester assis sur des sièges minuscules, patienter dans les embouteillages en ayant peur de manquer son vol, et après de nouveaux bouchons, descendre du bus à
    l'aéroport en essayant de trouver ses valises, son marmot et un chariot dans la même minute. Rejoindre ensuite l'interminable file d'attente dans la zone d'enregistrement, patienter un peu plus, passer devant les rayons X
    et se faire fouiller parce que sa boucle de ceinture a déclenché l'alarme, entendre brailler sa fille parce qu'on fait passer sa poupée aux rayons X, faire quelques emplettes dans les magasins duty-free, refaire la queue...
    pour enfin s'asseoir sur d'inconfortables sièges en plastique, ultime étape avant l'embarquement.
    Lasse d'attendre, Julie s'éloigna un peu, serrant contre son cour la poupée thaÔlandaise qu'elle s'était fait offrir à Phuket. ¿ quelques mètres d'elle, un homme l'interpella :
    - Salut, elle est chouette ta poupée.
    Elle s'arrêta pour le dévisager.
    H ne ressemblait vraiment pas à son père. Santiags à petits 191
    talons, Jean crasseux et déchiré, chemise en denim et collier ethnique. Un petit sac à dos était posé près de lui. Ses cheveux emmêlés n'étaient sans doute pas très propres et une barbe hirsute lui couvrait le menton. Même si Julie, ‚gée de huit ans, n'en savait rien, l'Extrême-Orient pullule de routards occidentaux, et l'individu qui venait de s'adresser à elle en faisait partie. L'Extrême-Orient agit sur eux comme un pôle d'attraction ; là en effet, ils peuvent se la couler douce pour pas très cher et se procurer facilement leurs drogues favorites.
    - Elle est neuve, répondit Julie, je l'appelle Pooky.
    - C'est super comme nom, fit le hippie d'une voix traînante. Pourquoi tu l'as choisi ?
    - Parce que papa me l'a achetée à Poo-ket.
    - J'y suis déjà allé. Les plages sont géniales. Tu étais là-bas en vacances ?
    - Ouais. Je suis allée nager avec papa et on a vu des poissons. ¿ cet instant, Mrs Higgins toucha du bout de l'orteil le pied de son mari et fit un signe de tête en direction de leur fille.
    - Julie, ma chérie, viens donc par ici ! cria Mr Higgins sur un ton sans équivoque.
    L'enfant se dépêcha de rejoindre ses parents et Higgins foudroya le hippie du regard. Il détestait profondément ce genre de personnage. Sans aucune attache, d'une propreté douteuse et probablement drogué. La dernière personne avec qui il voulait voir bavarder sa fille. Le hippie capta le message. Haussant les épaules, il sortit un paquet de cigarettes et, avisant un panneau Ínterdit de fumer ª au-dessus de sa tête, il se dirigea vers la zone rumeurs pour allumer sa cigarette. Mrs Higgins fronça les narines. Un haut-parleur invita les passagers à embarquer, en commençant par les rangées 34 à 57.
    Mr Higgins consulta sa carte. Rangée 34, fauteuils D, E et F. Rassemblant sa famille autour de lui, il vérifia que chacun avait bien son bagage à
    main avant de rejoindre la dernière file
    d'attente.
    L'horaire de départ fixé à onze heures quarante-cinq ne serait pas respecté, mais peu importe. Dans la plupart des cas, l'horaire officiel relève de la pure fiction. L'important pour le commandant Fallon, c'était que la tour de contrôle de Bangkok lui avait réservé un créneau de décollage pour minuit cinq, et il n'avait
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    pas l'intention de le manquer. Dans l'aviation civile moderne, tout ce qui compte est de s'assurer un créneau. Si vous manquez le vôtre dans un aéroport d'Europe ou d'Amérique, il vous faut patienter une bonne heure avant qu'un autre se libère.
    …videmment, un retard de vingt minutes était tout à fait négligeable.
    Fallon était s˚r de pouvoir le rattraper. En raison des puissants vents de face qui soufflaient sur le Pakistan et sur le sud de l'Afghanistan, son plan de vol prévoyait un trajet de treize heures et vingt minutes. Londres étant à l'heure de Greenwich, il y aurait sept heures de décalage horaire.
    Il devait atterrir à Londres vers six heures vingt, par un froid matin de janvier o˘ le thermomètre descendrait quasiment à zéro. Rien à