Le vétéran

téléphoniques. En règle générale il ne parlait pas beaucoup, et tout le monde le savait. Chacun savait également qu'il était agréable de travailler avec lui mais qu'il ne faisait pas bon lui causer du tort. Il y avait cependant une chose que ses subordonnés ignoraient : la fille de Butler, qui avait fait la fierté de son père en obtenant une bourse pour l'université, était morte d'une overdose d'héroÔne. Bill Butler avait l'héroÔne en horreur. Et il détestait encore plus ceux qui en faisaient le trafic. Cela faisait de lui, vu le poste qu'il occupait, un adversaire redoutable pour ces gens-là. Son service menait une guerre sans fin contre les drogues dures pour le compte des douanes du Royaume-Uni. On le connaissait sous le nom de ´ The Knock ª, et Butler mettait toute son énergie à frapper plus fort que quiconque.
    Cinq heures s'écoulèrent. Les centaines de repas réchauffés avaient été
    servis et engloutis - ou laissés de côté - et les plateaux en plastique remportés. Les quarts de vin bon marché avaient été avalés et les bouteilles débarrassées ou casées dans les filets au-dessous des tablettes.
    Derrière la cloison de séparation, la populace repue de la classe touriste avait fini par s'installer.
    Dans un renfoncement en contrebas des première classe, les deux ordinateurs de gestion de vol communiquaient en langage électronique, assimilant les informations transmises par les trois systèmes de positionnement par inertie et les données des balises et des satellites. Constamment renseignés sur la position de l'appareil, ils commandaient au pilote automatique les infimes mouvements qui maintenaient l'avion sur la trajectoire prévue.
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    En bas s'étendaient des paysages déchiquetés, entre Kaboul et Kandahar. Au nord, dans les montagnes du Panchir, les talibans fanatiques affrontaient le commandant Massoud, dernier chef de guerre à leur résister encore. Les passagers du cocon rugissant qui survolait l'Afghanistan étaient à l'abri de l'obscurité, du froid mortel, du vacarme des réacteurs, des terres hostiles et de la guerre.
    Les stores des hublots étaient tirés, les lumières baissées, et on avait distribué des couvertures. La plupart des voyageurs essayaient de dormir.

    quelques-uns regardaient un film, pendant que d'autres écoutaient de la musique. Sur le siège 34G, Mrs Higgins dormait profondément, la bouche entrouverte, le souffle régulier. En relevant l'accoudoir, on avait réuni les fauteuils E et F, o˘ Julie s'était étendue de tout son long, endormie sous sa couverture, la poupée serrée contre son cour.
    John Higgins ne parvenait pas à trouver le sommeil. C'était toujours comme ça quand il prenait l'avion. Malgré la fatigue, il se remémora son séjour en Extrême-Orient. Bien entendu, il s'agissait d'un voyage organisé. Pour un employé de compagnie d'assurances, c'était le seul moyen de se payer une destination aussi lointaine, et même ainsi, il avait d˚ se priver et économiser. Cependant, il ne regrettait rien. Ils étaient descendus au Pansea Hôtel sur l'île de Phuket, bien loin des trafics sordides de Pat-taya. Il s'était soigneusement assuré auprès de l'agence que sa famille ne verrait pas l'envers du décor. Les vacances avaient été fabuleuses, ils s'accordaient tous là-dessus. Ils avaient loué des bicyclettes pour traverser les plantations d'hévéas et les villages thaÔs à l'intérieur de l'île. Us s'étaient arrêtés pour admirer les temples bouddhistes, peints en rouge et coiffés de toits dorés, et avaient assisté aux dévotions des moines en tunique safran.
    ¿ leur hôtel, ils avaient loué des masques de plongée et des palmes pour Julie et pour lui. Mrs Higgins ne nageait pas, se contentant de barboter dans la piscine de l'hôtel. Ainsi équipés, Higgins et sa fille avaient nagé
    jusqu'à un récif de corail. Julie portait des flotteurs, et lui une ceinture de flottaison. Sous la surface des eaux, ils avaient vu filer des poissons, des anges tricolores et des poissons-papillons. Tout excitée, Julie avait levé la tête pour crier, de peur que son père ne les ait pas vus. Ce n'était pas le cas, évidemment, et il lui avait fait signe de remettre son
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    tuba avant de boire la tasse. Trop tard : toussant et crachant, la fillette avait d˚ regagner la plage avec l'aide de son père.
    L'hôtel proposait des cours de plongée sous-marine, mais Higgins avait décliné l'offre. H avait lu qu'il