Le vétéran

rendez-vous, vin rendez-vous fixé d'avance. Mais comment s'y étaient-ils pris ? H

    pouvait jurer qu'aucun homme d'affaires élégamment vêtu de soie crème ne se trouvait dans la
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    salle d'embarquement de la classe touriste. H n'aurait pas pu passer inaperçu. quant au hippie, il n'avait pas bougé depuis qu'il était monté à
    bord. Peut-être une hôtesse lui avait-elle remis un message, mais Higgins n'avait rien vu de tel et ce n'était donc qu'une hypothèse.
    Dans le cas contraire, il ne restait qu'une explication : c'est avant de quitter la ThaÔlande qu'ils avaient décidé de se retrouver là, entre la classe club et la classe touriste, à ce moment précis de la nuit. Mais pour quelle raison ? Pour discuter de quelque chose ? Se communiquer des rapports ? Pour que le monsieur élégant donne à l'autre des consignes de dernière minute ? Le hippie était-il le secrétaire particulier de l'homme d'affaires ? Avec cette tenue ? Tout à fait improbable. Les deux hommes étaient comme le jour et la nuit. Higgins commençait à s'inquiéter. Pis, il commençait à nourrir des soupçons.
    ¿ Londres, il était onze heures du soir. Bill Butler posa son regard sur son épouse endormie et éteignit la lumière en soupirant. Il avait réglé la sonnerie de son réveil sur quatre heures et demie. C'était largement suffisant. En se réveillant à cette heure-là, il pourrait arriver à
    Heathrow à cinq heures et quart, douché et rasé, une heure avant l'atterrissage. Après ça, il devrait s'en remettre à la chance.
    La journée avait été longue. Mais c'était toujours ainsi, de toute façon.
    Malgré la fatigue, il avait du mal à s'endormir. Son cerveau s'emballait, mais la question restait entière : pouvait-il faire davantage ?
    La traque avait été mise en branle par un tuyau d'un collègue américain de la Drugs Enforcement Agency, la redoutable DEA. quatre-vingt-dix pour cent de l'héroÔne consommée au Royaume-Uni et dans la plupart des pays d'Europe du Nord provient de Turquie. Il s'agit donc d'héroÔne brune. Le trafic est contrôlé par une mafia turque aussi rusée qu'impitoyable. Parmi les plus violentes de la planète, elle sait néanmoins se montrer extrêmement discrète, et la plupart des Britanniques n'en connaissent pas l'existence.
    Les substances qu'elle vend sont issues des champs de pavot d'Anatolie.
    Offrant l'apparence du sucre roux, l'héroÔne se fume 201
    ou s'inhale ; il suffit d'en faire br˚ler une pincée dans du papier alu à
    la flamme d'une bougie. Contrairement aux Américains, les toxicomanes anglais ne raffolent pas des intraveineuses.
    Le Triangle d'Or ne fournit pas ce type de marchandise. La filière extrême-orientale écoule plutôt de la blanche thaÔlandaise semblable à de la levure chimique, généralement ćoupée ª, ou mélangée avec des poudres blanches similaires, dans une proportion de un pour vingt. Les Américains en sont friands. Si un gang britannique arrivait à s'en procurer régulièrement et en quantité suffisante, la Cosa Nostra s'intéresserait à l'affaire. Pas pour l'acheter, mais pour faire un échange. Trois doses de la meilleure cocaÔne colombienne contre une de blanche thaÔlandaise.
    Le tuyau de la DEA venait du bureau de Miami. Une balance de la pègre leur avait appris qu'à trois reprises au cours des six derniers mois, la famille Trafficante avait expédié un convoyeur ou une ´ mule ª en Angleterre avec six kilos de cocaÔne pure, et qu'il était revenu avec trois kilos de blanche thaÔlandaise. Rien de faramineux, mais un approvisionnement régulier, avec un bénéfice de deux cent mille livres par voyage pour le trafiquant anglais. Vu les quantités, Bill Butler excluait l'acheminement par mer ou par terre, misant plutôt sur les transports aériens. La valise d'un passager, par exemple. H se tournait et se retournait dans son lit, espérant dormir quelques heures.
    John Higgins non plus ne trouvait pas le sommeil. H avait entendu parler d'une région moins reluisante du paradis des touristes. Il se souvint d'un article sur un endroit surnommé le Triangle d'Or. Une étendue sans fin de collines o˘ l'on cultivait le papaver somniferum, ou pavot somnifère.
    L'article parlait de raffineries cachées dans la jungle le long de la frontière, o˘ même l'armée thaÔlandaise ne s'aventurait pas. La p‚te d'opium y était transformée en morphine vulgaire, dont on tirait ensuite la poudre fine de l'héroÔne blanche.
    Tandis