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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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Invité par le comte de
Nissac à conter sa tragique aventure, il ne se fit point prier. Ainsi, sachant
qu’il ne les reverrait de longtemps en raison de son proche départ pour Paris, Valenty
s’en allait visiter la branche romaine de sa famille lorsque le navire sur
lequel il voyageait avait été abordé par les barbaresques.
    À le bien observer, Nissac trouva le baron
fort maigre mais il demeurait l’homme de bon caractère qu’il était sans doute
auparavant.
    Il exprima sa gratitude au comte de Nissac qui
s’enquit des conditions d’existence sur la galère. Le visage de Valenty se
durcit.
    — Le mépris, le fouet, la rame… Nous
étions six pour chaque lourd aviron long d’une toise et la galère portait
trente avirons !… Pour repas, une infâme pitance qu’en nos pays, on n’oserait
proposer à nos chiens, de peur qu’ils ne nous mordent cruellement sous effet de
grande colère. La vie, sur la galère, était courte, à peine quatre ou cinq
années pour les plus résistants et j’achevais ma troisième année…
    Il leva les yeux sur Nissac.
    — Nous redoutions même notre possible
libération car en cas de combat naval, si la galère coulait, nous coulions avec,
enchaînés comme nous l’étions. Cette horrible mort hantait nos rêves, nous
ôtant tout espoir. La galère, c’était la mort en effet de lenteur. La
destruction de la galère, c’était mort rapide et atroce. Vous avez manœuvré
avec rare intelligence, monsieur l’amiral, et…
    Celui-ci l’interrompit d’un geste léger.
    — Appelez-moi Nissac. Il existe à présent
entre vous et moi un lien de vie qui, me semble-il, dépasse les pauvres
conventions de la préséance, ne croyez-vous pas ?
    Le baron de Valenty regarda attentivement
Nissac, tout pris qu’il était par grande surprise et effet d’émotion. Quoi, ce
manœuvrier de grand talent, cet officier tout de froideur mais que ses hommes, d’évidence,
aimaient et respectaient bien qu’il fût économe de ses mots, eh bien voilà qu’il
venait de lui parler avec chaleur et de niveler tout ce qui sépare un comte de
très ancienne noblesse, vice-amiral des mers du Levant, d’un petit baron
provençal en congé de son régiment.
    Le baron de Valenty ne parvint pas à
dissimuler davantage ses sentiments.
    — Ah çà, monsieur le comte, je vous dois
la vie et je découvre que je vous dois aussi de me sentir digne.
    — Digne ?… demanda Nissac, surpris.
    — À vous regarder et vous entendre, digne
d’être un homme. Disposez de ma vie.
    Le comte sourit.
    — Alors je forme un vœu : soyez à
présent heureux, baron, car vous avez derrière vous des années de souffrances.
    Nissac raccompagna son visiteur qui lui
arracha la promesse de le venir voir à Paris où son cousin était abbé à la cour
du roi Henri le quatrième.
    Seul à nouveau, le comte de Nissac fut en
proie à un vertige qui ne venait point en raison d’une mal fonction de son
corps mais du trouble de son esprit.
    Il n’aimait pas qu’on l’aimât, car il ne s’aimait
point. La chose le gênait en cela qu’en regard de lui-même, il se jugeait tel
un imposteur gratifié impurement de vertus qui n’étaient point siennes. Ses mains
ruisselaient de sang, et que celui-ci appartînt à des hommes cruels proches des
bêtes sauvages n’ôtait rien au fait qu’il les avait tués sans manière de
jugement, sans rien savoir de ce qui faisait d’un homme un pirate, toutes
raisons qui représentaient peut-être autant d’explications, sinon d’excuses, à
la condition devenue la leur.
    Sans en jamais parler, le comte pensait depuis
longtemps déjà qu’un homme qui tue créature humaine se tue du même coup, quittant
l’harmonie qui préside à l’ordre secret du monde.
    Dissimulant la lassitude qui lui venait, Nissac
reçut son second visiteur, Louis de Sèze, comte de La Tomlaye. Âgé de vingt-six
ans, il était beau, bien que très maigre lui aussi après deux années sur la
galère barbaresque. Mais, avec un bel entrain, il parla de sa joie d’avoir
retrouvé sa sœur, ses terres et son château délabré.
    Nissac prêta soudain attention au jeune homme.
Il aimait la manière dont celui-ci évoquait le berceau de ses ancêtres et son
grand attachement à sa terre. Elle n’était point différente, cette manière, de
celle dont Nissac appréciait son château de Saint-Vaast-La-Hougue. Le comte de
La Tomlaye reprenait tradition ancienne de noblesse vouée à la terre

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