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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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attendait un homme semblable à ceux
des récits de chevalerie, des hommes tels qu’on n’en voit plus guère.
    Ainsi fuyait-elle le comte d’Espinou, deux
cent quarante livres de graisse et une cervelle de dindon. Ou le marquis de
Rocadour qui, tel le feu roi Henri troisième et ses mignons, préférait la
compagnie des rudes marins à celle des belles dames… mais que sa mère voulait
tout de même marier. Sans même songer au vieux comte d’Alguf, soixante et
quinze ans, goutteux et souffrant de la gravelle. Ainsi pour chacun, bien
souvent avec entendement de vérités dissimulées, trouvait-elle à redire.
    Jeanne, cependant, cherchait à protéger
Élisabeth d’une passion aussi soudaine et brutale à l’endroit d’un inconnu. Aussi,
voyant le trouble de sa maîtresse, s’était-elle à plusieurs reprises glissée
derrière une tenture pour observer le comte de Nissac. C’était un bel homme, de
haute taille, aux larges épaules mais peut-être un peu trop mince. Bien qu’il
parlât fort peu, elle l’écouta avec grande attention et remarqua que, ne
passant mesure en rien, il semblait avoir accoutumée d’écouter les autres bien
que lui aussi fût à l’évidence sous effet d’un certain trouble. Jeanne fut à
son tour émerveillée par les yeux gris du vice-amiral des mers du Levant, des
yeux au regard tour à tour si dur ou qui paraissait celui d’un enfant naïf et
étonné.
    Elle décida d’aider l’entreprise qui semblait
prendre corps, cependant que Louis ne fut pas à convaincre et qu’il s’agissait
bien plutôt d’écarter excès de pudeur et timidité en l’un et l’autre parti.
    Élisabeth, de son côté, cherchait vainement à
chasser l’émotion qui la dominait depuis l’arrivée de Nissac. Pourtant, elle ne
se leurrait point et savait que sa raison ne prenait nulle part à ce débat en l’intérieur
de son cœur. L’évidence de son sentiment lui apparaissait avec une telle pureté
et netteté qu’il ne laissait aucune part à possible erreur : elle se
sentait attirée par Nissac depuis l’instant où elle l’avait vu. Ainsi, il en
allait de la réalité comme en ses rêves nourris des livres de chevalerie, et il
n’était point besoin de séduire sur la durée par manières agréables, compliments
bien tournés ou feinte attention soutenue.
    La jeune femme y vit intervention divine. L’élu
apparaissait dans la lumière rouge du couchant et on savait que c’était lui qu’on
attendait depuis toujours, lui, là, sur l’instant et pour toute la vie.
    Mais, tout aussitôt, elle regarda son frère et
ne put s’imaginer le laisser seul dans la vie si bien qu’elle allait de l’abattement
à une joie presque exubérante, passait de la plus grande nervosité à un calme
étrange imposé par la certitude de ne se point tromper, car, chez les femmes de
cette sorte qui savent attendre ce qu’elles désirent, la vérité n’arrive que
rarement sous forme de tempête. Seule la peur d’un geste maladroit ou d’une
parole qui ne le fut pas moins lui donnait quelque vivacité en son comportement
sitôt qu’elle ne pensait qu’à elle, et non à son frère.
    Comme on allait se mettre à table, elle décida,
quelque désir qu’elle en eût, de ne point montrer ses sentiments.
    Pendant ce temps, Nissac et Louis de La
Tomlaye parlaient devant la cheminée où brûlaient quelques grosses bûches car, bien
qu’on fût en région du sud, décembre, cette année, était froid et le « mestral »,
un fort vent du nord soufflant vers la mer, glaçait davantage encore les
pauvres voyageurs qui n’avaient point trouvé accueillante auberge ou abri d’une
grange.
    Louis paraissait heureux d’entretenir le comte
de Nissac à propos de son bonheur perdu et retrouvé. Il en parla longuement
puis, profitant que sa sœur ne fût point là, son ton devint plus grave :
    — Je suis de cette sorte de gentilhomme
qui évite les villes pour habiter aux champs sauf à faire service au roi s’il
était nécessaire. Nos terres exigent bien du temps, et c’est là façon de
veiller à notre héritage. L’agriculture est chose fort exigeante, et nous
devons sans cesse aider nos fermiers. Enfin, pour ma part, je ne serais pas à
ma place à la Cour, n’ayant point de carrosse ni d’habit de belle étoffe
violette avec pierres d’émeraude aux manchettes. Cependant, il serait bon qu’on
y vît Élisabeth qui n’a point quitté nos terres tandis que j’étais captif

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