Lebensborn - la fabrique des enfants parfaits: Ces Français qui sont nés dans une maternité SS
secret n’est pas sorti par nous, il est sorti par toi. Il a fallu que tu viennes… »
Je me suis de nouveau rendu à Lamorlaye. C’était un matin de février 2011, peu après mon retour de Bavière. Il faisait froid et clair. À l’inverse de la première visite, presque un an auparavant, le domaine de Bois-Larris bruissait de vie ce jour-là. Par petits groupes, les enfants et adolescents du centre de réadaptation de la Croix-Rouge quittaient les différentes salles de soins pour rejoindre le bâtiment central, où se trouvent les pièces de vie commune. Image troublante que celle de ces jeunes filles et garçons marchant avec des béquilles, calés dans leur fauteuil roulant, avançant, quoi qu’il en soit, en ce lieu où, un jour, des hommes prétendirent fabriquer des surhommes. L’heure du déjeuner approchait. Les pensionnaires se rassemblaient au rez-de-chaussée, près de la salle à manger ouvrant sur une grande baie vitrée.
Dans le parc, j’ai sorti les photos d’Erwin de ma sacoche. Je n’ai pas eu à chercher bien longtemps. Sur son côté sud, le domaine de Bois-Larris est clos par un grillage métallique vert. Des arbres ont poussé sur le versant de la colline. Mais le décor est bien le même que celui de la photo à bordure dentelée. Le coteau, en face, à l’horizon, et le village, en contrebas, dans le vallon : tout est identique. C’est bien ici, à Lamorlaye, qu’a été prise la photographie de la religieuse portant un bébé dans ses bras.
Cette photo anonyme est, jusqu’à preuve du contraire, la seule image connue du foyer Westwald , l’établissement du Lebensborn en France occupée. Le bébé, à coup sûr, c’est Erwin, même s’il m’est impossible de le démontrer. L’image a été prise entre le 21 mai 1944, jour de la naissance d’Erwin Grinski, et le 10 août 1944, date de l’évacuation de Lamorlaye.
Revenons aux autres photos. J’étais maintenant certain qu’elles avaient un rapport direct avec la nursery de Lamorlaye. Outre le fait qu’elles proviennent des papiers personnels d’Élisabeth Grinski, elles ont des caractéristiques identiques à celle prise à Westwald : mêmes dimensions (6 cm x 9 cm), même qualité de tirage, même grain, même bordure de cadre dentelé. Elles ont probablement été prises au même endroit, bien que le décor ne soit pas reconnaissable sur chacune d’entre elles.
La photographie sur laquelle posent les dix femmes, alignées dans un pré ou un jardin, reste une énigme. Je n’ai que des hypothèses à ce sujet. Les quatre femmes endimanchées, au premier rang, sont, selon moi, les mères d’enfants nés à Lamorlaye. Nous savons, grâce au rapport établi par le général Ebner, après sa visite du 24 avril 1944, qu’il n’y avait que six femmes présentes à Westwald , à cette date. Élisabeth Grinski ne figure pas parmi les quatre jeunes femmes en civil sur cette photo de groupe, qui fut, a priori, prise entre le 21 mai et le 10 août 1944. Il pourrait alors s’agir de mesdemoiselles ou mesdames de Fouw, de V., d’Agnès B., la mère du petit Peter, né le 7 mai, et de Mariette M., qui a donné naissance à Helga, le 20 juin.
D’autres questions surgissent : qui sont les religieuses présentes sur le portrait de groupe ? Que font des bonnes sœurs aux côtés de mères du Lebensborn , quintessence du paganisme raciste des SS ? Je n’ai pas d’explication. Le seul constat tangible est que, au vu de l’habit qu’elles portent et de la corde qui enserre leur taille, ces religieuses sont des sœurs cordelières, d’obédience franciscaine. D’où viennent-elles ? De la maison Sainte-Claire, le couvent des franciscaines de Compiègne, à une cinquantaine de kilomètres de Lamorlaye ? Rien ne permet de le savoir. D’ailleurs, cette photo de groupe a pu être prise en dehors de Lamorlaye, à l’occasion d’une sortie, pourtant rare pour les pensionnaires du Lebensborn .
Il y a plus important : qui est le couple souriant aux côtés d’Élisabeth Grinski et d’Erwin Schmitt ? Pour tenter d’en savoir plus, j’ai sollicité un historien : Christophe Prime, conservateur au Mémorial de Caen, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et, entre autres, des uniformes allemands. Je lui ai soumis les photographies. À cause du manque de détails sur les images, il ne lui a pas été possible d’identifier avec certitude les tenues que portent les personnes.
Cependant, en ce qui
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