L’élixir du diable
où se cachaient plusieurs d’entre eux. Il était resté en arrière pour couvrir la rue. Quelques secondes plus tard, des morceaux de ses potes s’éparpillaient un peu partout dans la rue.
Il ne les laisserait pas l’avoir de cette façon.
Il fronça les sourcils, regarda la femme et chercha son arme, mais sa main s’immobilisa quand il la vit se courber en avant et se transformer. Ses yeux gris aimables étaient devenus noirs et menaçants, son nez avait pris la forme d’un bec d’oiseau. Torres essaya de bouger, mais la douleur au ventre était trop forte. Les bras de la femme s’étaient couverts de plumes noires, et elle avait, à la place des mains, des serres effilées comme des rasoirs. Elle se dirigeait lentement vers lui, toutes griffes dehors.
Au prix d’un effort considérable, il sortit le SIG-Sauer de sous sa veste et l’agita en direction de ce qui lui apparaissait maintenant comme une harpie.
— Va-t’en ! Fous le camp d’ici !
La bête ne se le fit pas dire deux fois. Elle fit demi-tour et s’éloigna comme en glissant au-dessus du sol.
Torres ne comprenait rien à ce qui lui arrivait. Il fourra le pistolet sous sa ceinture, se remit sur pied et tourna le coin, vers l’entrée du CVS. La pharmacie se trouvait à environ deux cents mètres. Il était certain d’y arriver, à condition de ne pas s’arrêter de nouveau.
Il avait parcouru la moitié du chemin quand il entendit une voix, derrière lui :
— Monsieur ? Monsieur ? Tout va bien ? Vous avez besoin d’aide ?
Ignorant la voix, Torres poursuivit son chemin. C’était un truc. Un truc pour l’empêcher de trouver l’aide dont il avait besoin.
— Monsieur ? fit la voix, désormais grinçante. Je vous demande d’arrêter, nous devons parler.
Torres pivota – beaucoup plus vite qu’il n’aurait souhaité, vu la douleur intolérable dans son ventre – et se retrouva en face d’un autre salopard de rebelle. L’homme avait la main posée sur l’arme qui pendait à sa ceinture. Torres ne reconnaissait pas vraiment l’uniforme que portait le bougnoule, mais il l’avait sans doute volé sur le cadavre d’un soldat américain.
C’était bien un piège .
Ils allaient le prendre en otage, le torturer et lui couper la tête. C’est ainsi que procédaient ces cinglés. Les yeux de Torres lancèrent des éclairs. A trente mètres de lui – trop loin pour qu’il fasse autre chose que lui tirer dessus – un homme plus jeune pointait un téléphone portable droit vers lui. Ils avaient commencé à filmer leur vidéo de prise d’otage. Il eut envie de descendre ce salaud, mais son capitaine lui avait ordonné de n’utiliser son arme qu’en cas de danger immédiat. Ou était-ce quelqu’un d’autre ? Il ne s’en souvenait pas. Mais il savait qu’il devait obéir aux ordres, dans la mesure du possible.
Il sentit une autre présence et se retourna. Un autre homme se dirigeait vers lui. Son déguisement consistait en un jean, des baskets et un polo. Bon Dieu. Ils lui en avaient envoyé toute une équipe.
Il devait agir, ou il était foutu.
Il avança une main, paume vers le haut, dans un geste de soumission, mais en même temps il fit deux pas vers la gauche. Au moment où le type en polo se trouva à sa hauteur, il l’attrapa par le col et sortit son pistolet qu’il pressa sur le crâne du rebelle.
— Restez où vous êtes ! hurla-t-il. Bordel, que personne ne s’approche de moi !
Le rebelle avec le faux uniforme avait déjà sorti son arme qu’il pointait sur Torres, mais celui-ci avait le dessus, maintenant. Il recula en direction du CVS en entraînant son otage, de plus en plus vite à chaque seconde, en dépit de la douleur lancinante dans son crâne et de la brûlure à l’estomac. Quand il jeta un regard vers le rebelle – qui n’avançait plus –, il vit que les yeux du salopard étaient jaunes et que des cornes jaillissaient de son crâne. Il cligna des yeux et secoua la tête. Mais, quand il ouvrit à nouveau les yeux, les cornes étaient toujours là, luisant comme de l’obsidienne noire, pointues et menaçantes. Le visage couvert de sueur, Torres se mit à hurler « Non ! », et repoussa son otage. Celui-ci se sauva, non sans avoir jeté un regard en coin vers Torres… il avait lui aussi les yeux jaunes et des cornes, et sa bouche ouverte révéla une rangée de crocs ignobles et une langue fourchue qui s’agitait furieusement.
Torres sentit la terreur s’emparer de lui, comprenant
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