L’élixir du diable
téléphone, Villaverde me tendit une feuille de papier.
— Les relevés du téléphone de Michelle. Il y a un Jim, comme tu le pensais. Regarde.
Je jetai un coup d’œil sur la page imprimée. Plusieurs appels étaient surlignés. Ils dataient tous des six dernières semaines, et le numéro était celui d’un certain Jim Stephenson. Le préfixe était 510.
— Ce n’est pas un numéro local.
Villaverde secoua la tête.
— Berkeley.
— Un psy ?
— Oui et non. Il enseigne la psychiatrie. Dirige le service psy de l’université de Californie à Berkeley.
Cela me surprenait et m’inquiétait à la fois. Le psy que Michelle avait choisi pour Alex était indiscutablement une grosse pointure… et il se trouvait à une heure et demie d’avion.
Pendant que Villaverde parlait au légiste, j’appelai Tess pour lui donner le nom et le numéro de téléphone du médecin. Je me dis qu’elle pourrait l’appeler pendant que nous cherchions une façon d’inciter les méchants à sortir du bois.
Autre chose me tarabustait, mais j’étais incapable de dire de quoi il s’agissait. Je n’eus pas le temps de formuler ma proposition. Un des hommes de Villaverde se précipita dans la pièce, très excité.
— Il faut que vous voyiez ça ! fit-il en s’approchant du bureau de Villaverde.
Il saisit une télécommande et alluma le téléviseur posé sur une étagère, au milieu des livres.
C’était une chaîne d’informations locales. Le défilant en bas de l’écran annonçait « Prise d’otages à Mission Valley ». La chaîne diffusait des images granuleuses sans doute filmées avec un téléphone portable. Un type armé d’un revolver tenait quelqu’un par le cou, hurlait et agitait son arme frénétiquement tout en s’éloignant de la caméra.
La touffe de poils sous sa lèvre inférieure me permit de le reconnaître immédiatement. Ricky « Scrape » Torres – le motard qui avait reçu une balle dans l’épaule, et qui avait été brutalement extirpé de la voiture de l’adjoint assassiné.
Il vivait et respirait, en couleur.
51
Ricky Torres ne savait foutrement pas ce qui lui arrivait.
On l’avait couvert de pansements, comme une momie, et détenu il ne savait où pendant une éternité. On avait soigné et recousu sa blessure, qui lui faisait toujours un mal de chien. Un peu plus tôt, il avait senti une piqûre au bras (sans doute une sorte d’antibiotique) puis on l’avait détaché, levé de force et embarqué dans une voiture.
Et maintenant, ça.
Ses gardiens l’avaient balancé hors de la voiture, sur l’asphalte, avant de disparaître dans un hurlement de pneus.
Après quelques hésitations, il s’était relevé et avait arraché son bandeau. Le soleil l’avait agressé, et il lui avait fallu un moment pour accommoder son regard.
Il réalisa qu’on l’avait largué à Mission Valley, près du parking du centre commercial de Westfield. Il se sentait somnolent, désorienté. Il constata qu’il fixait avec curiosité le Hooters, de l’autre côté de la rue. Un sourire étrange lui déforma le visage, car une pensée bizarre lui était venue. Dans l’immédiat, quelques bières en compagnie de filles à poil l’aideraient à oublier ce qui lui était arrivé récemment… Combien de temps ça avait duré, d’ailleurs ? Quarante-huit heures ? Plus ?
Il n’en savait rien.
Il resta un moment sur place, ignorant toujours pourquoi ces salauds l’avaient relâché. Pendant le trajet, il avait bien cru qu’ils le conduisaient dans un endroit isolé pour le tuer et y larguer son cadavre. Manifestement, ce n’était pas le cas. Mais il ne se sentait vraiment pas bien. Il avait un terrible mal de crâne, ses yeux ne parvenaient pas à faire le point, et la douleur à l’épaule (qui s’était calmée après qu’ils eurent recousu) se faisait sentir de plus belle. Il savait qu’on avait extrait la balle, mais il se demandait si la plaie ne s’était pas infectée. Depuis son séjour en Irak, il savait que les infections dues à un projectile sont plus souvent mortelles que la balle elle-même.
Il fallait qu’il s’en assure au plus vite.
Dans l’immédiat, une bonne bière lui ferait le plus grand bien.
Il fit quelques pas hésitants vers l’autre trottoir, lorsqu’un violent coup de trompe le fit s’arrêter sur place. Il se retourna, croisa le regard du chauffeur du camion qui venait de freiner après l’avoir évité de justesse. Le type gesticulait en
Weitere Kostenlose Bücher