L’élixir du diable
j’examinerais.
— On continue à chercher de ce côté-là, répondit Munro. On met la pression à toute la racaille de nos fichiers, on bosse avec l’ATF, mais c’est comme essayer de faire saigner une pierre. Ces bandes, elles sont soudées. Les seules fois où un de ces branleurs ouvre sa gueule, c’est pour nous embrouiller en faisant courir le bruit que c’est un concurrent qui a fait le coup. Les Desperados disent que c’est les Huns, les Huns disent que c’est les Sons of Azazel, les Sons of Azazel disent que c’est les Aztecas… Un vrai cauchemar. On peut seulement y voir un peu plus clair en infiltrant quelqu’un, et ça demande du temps. En plus, on ne sait même pas de quelle bande il s’agit, encore moins quelle section…
— Et les cartels ? intervins-je. Ça donnerait quelque chose en prenant par l’autre bout, du sommet vers la base ?
Corliss eut un petit rire.
— Je vous souhaite bonne chance. Nos amis du Sud ont un code d’omerta encore plus strict.
— Mais, si on a bien affaire à des motards, vous pensez que dans cette histoire, ce sont des hommes de main, pas des consommateurs ? insistai-je.
— D’après moi ? Oui. Absolument.
Corliss se pencha en avant, indiqua Villaverde et dit :
— Nous avons tous réussi à éliminer un grand nombre de labos locaux, mais vous savez aussi bien que moi que ça n’a fait que déplacer au sud de la frontière la partie production du problème. Et c’est là-bas qu’ils ont besoin de blouses blanches. Pas ici. Nos amis mexicains dirigent au Mexique des superlaboratoires capables de fournir chacun cent cinquante à deux cents kilos de meth par jour. Par jour . C’est beaucoup et ça demande du savoir-faire. Alors, quand ils mettent la main sur un crack en chimie qui peut rationaliser leur production et obtenir un produit de meilleure qualité sans faire exploser leurs labos, ils ne le laissent pas partir.
J’avais l’impression qu’il me manquait encore une pièce essentielle du puzzle.
— Je ne vois toujours pas le rapport avec Michelle. Ça remonterait à cinq ans.
— Qui sait, dit Corliss, écartant l’objection d’un geste désinvolte. Elle suivait la piste de l’argent des cartels. Elle a beaucoup fait souffrir quelques affreux en les privant de leurs jouets et en nettoyant leurs comptes en banque. L’un d’eux a peut-être voulu le lui faire payer. Ces types… ils passent un moment en prison, ils sortent en graissant des pattes ou en tirant dans le tas, ils changent de coin et restent en dessous du radar… Il a peut-être fallu tout ce temps à l’un d’eux pour la retrouver. D’autant que Martinez était un agent infiltré.
Ça me semblait toujours bancal, mais pour l’heure il faudrait que je m’en contente.
— Ils ont emporté son ordinateur portable, rappela Villaverde en me regardant d’un air gêné, comme s’il renforçait le point de vue de Corliss. Ils cherchaient peut-être un moyen d’inverser un marché. D’obliger Michelle à leur transférer des fonds.
Je me raidis, sachant où cela menait. Corliss haussa un sourcil et lui lança un regard dubitatif.
— Son portable ?
Le directeur du bureau local du FBI hocha la tête. Corliss ne dit rien mais signifia clairement ce qu’il pensait par son expression matoise.
— Quoi ? fis-je.
— Eh bien, elle a confisqué pas mal de fric à plusieurs de ces narcos, répondit Corliss avec une moue, comme s’il venait de renifler du lait tourné. Elle en avait peut-être gardé une partie pour elle. Ce ne serait pas la première fois que ça arriverait.
Je sentis mon visage s’embraser.
— Michelle était clean, affirmai-je en veillant à garder mon calme.
— Vous le savez parce que vous avez eu une aventure avec elle ?
— Elle était clean, persistai-je.
— C’était un agent infiltré, ne l’oubliez pas. Elle savait cacher un secret. Même à celui avec qui elle partageait son lit.
Je surpris le regard qu’il échangea avec Munro et je sentis les veines de mon cou se durcir. Je dus faire un effort pour me contrôler. Michelle n’était pas encore enterrée que ce connard amer et à moitié déglingué salissait sa mémoire. Après m’être brièvement tourné vers Villaverde, je revins à Corliss.
— Elle était clean. A cent pour cent. Cela ne fait aucun doute.
J’attendis, prêt à riposter à toute contestation, mais il n’y en eut pas. Corliss soutint simplement mon regard de ses yeux las puis haussa les épaules, la
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