L’élixir du diable
bon moment avant que je puisse répondre à cette question par un « Il va bien » enjoué. Puis il en vint à la raison de son coup de téléphone :
— Le service balistique m’a rappelé, on a quelque chose sur le 9 mm que Michelle a pris aux types. Tu te souviens du double enlèvement dans un centre de recherches proche de Santa Barbara, il y a six mois environ ?
Je revis en esprit de vagues images d’un reportage télévisé.
— Une sorte de centre médical, non ?
— Exactement. L’institut Schultes. On s’est servi de la même arme.
Ça, c’était du solide.
Je me souvins qu’en plus des deux scientifiques kidnappés il y avait eu des morts.
— Pour tuer quelqu’un ? demandai-je.
— Ouais. Un vigile. Le copain de Michelle aussi a été abattu avec cette arme.
Je me sentis un peu réconforté de savoir que Michelle avait probablement liquidé l’homme qui avait descendu Tom et que ce type avait déjà tué auparavant. Cela ne ramènerait pas Michelle, mais j’avais besoin de me raccrocher à tout motif de satisfaction à ma portée, aussi infime soit-il.
— Cette affaire d’enlèvement n’a pas été élucidée, non ?
— J’attends des infos supplémentaires, répondit Villaverde, mais, autant que je sache, la piste est froide.
— Qui mène l’enquête ?
— La DEA et le FBI. Conjointement.
— Les bureaux de L.A. ?
— Ouais.
Je plissai le front : l’inévitable se profilait à l’horizon.
— Il va falloir qu’on parle à mon vieux copain Hank Corliss, j’ai l’impression.
— Ouais, répéta Villaverde. J’ai déjà téléphoné. On le voit demain matin.
14
A moins de cinq kilomètres au nord, un jet Embraer Legacy se posait à l’aérodrome Montgomery. Il avait décollé cinq heures plus tôt de l’aéroport international de Merida, au Yucatán, et transportait quatre personnes, tous des hommes.
L’agent des services d’immigration qui monta à bord du petit appareil vérifia l’identité des passagers et leur donna dans la foulée l’autorisation de débarquer.
Il n’avait aucune raison de les soumettre à une inspection plus poussée : la compagnie charter avait une excellente réputation et il avait rencontré plusieurs fois les membres de l’équipage. Les passagers, tous mexicains, élégamment vêtus et soignés de leur personne, parlaient avec retenue. Les documents de vol de l’avion étaient irréprochables et les passeports des quatre hommes portaient les cachets de plusieurs pays d’Europe et d’Extrême-Orient. Tout cela donnait l’impression d’un monde huppé avec, plus important encore, une intangible et désarmante aura d’intégrité.
Peu après le départ de l’agent, les quatre hommes descendirent de l’avion et montèrent dans deux limousines Lincoln avec chauffeur. Des lits confortables les attendaient dans une luxueuse villa de six chambres au bord de l’océan, qu’on avait louée pour eux dans une rue tranquille de Del Mar.
Ils avaient besoin d’une bonne nuit de sommeil.
Ils avaient du pain sur la planche.
Lundi
15
Après avoir laissé Tess, Alex et Julia à l’hôtel, je retrouvai Villaverde à son bureau. Notre rendez-vous avec Corliss était fixé à dix heures et demie, ce qui nous éviterait la brutale heure de pointe matinale de Los Angeles et nous permettrait de savourer à la place ses délicieux bouchons de milieu de matinée. Tess était impatiente d’aller chez Michelle prendre ce qu’il fallait pour tenter de réconforter Alex, et Villaverde s’était arrangé pour que des policiers de San Diego l’y conduisent en voiture et veillent sur elle pendant notre absence.
La première partie de notre trajet se révéla assez aisée, une longue ligne droite jusqu’à la route inter-Etats, avec le soleil derrière nous, l’océan à notre gauche, des dunes et des collines ondulantes sur notre droite pendant trois bons quarts d’heure. Puis ce fut San Clemente, dont le cadre enchanteur nous aida à affronter ensuite les aspects moins séduisants de la colonisation humaine et le chaudron d’asphalte chaotique qu’est le centre de L.A.
Une fois passés devant l’immeuble, nous tournâmes pour prendre la rampe conduisant au parking souterrain. Devant l’entrée du bâtiment se dressaient quatre sculptures métalliques de cinq mètres de haut, silhouettes masculines découpées dans de la tôle et s’inclinant l’une vers l’autre pour former un groupe serré. Elles étaient criblées de centaines
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