L’élixir du diable
l’organe même et ne se transmettait pas par la moelle épinière.
Une douleur qui vous rongeait de l’intérieur.
Il n’avait pas tenu le coup, il avait dit à Navarro ce qu’il voulait savoir. Et maintenant, il était prêt à mourir. Il n’avait plus envie de vivre.
Pas comme ça.
— C’est quoi, fi… finalement, ce bordel ? balbutia-t-il, presque incapable d’articuler. Qu’est-ce que tu cherches ?
Navarro baissa les yeux vers lui en s’essuyant les mains à un chiffon.
— Tu ne le sauras jamais, amigo . Mais qui sait ? Peut-être dans une autre vie…
Il lança le chiffon à l’un de ses gorilles et quand sa main réapparut elle tenait un pistolet.
— Vaya con dios, cabrón .
Sans la moindre hésitation, il pressa l’extrémité du silencieux entre les yeux de Walker et appuya sur la détente.
Navarro se redressa, tira sur sa veste et la lissa de la main, remit l’arme au sicario le plus proche.
— Allez chercher notre invité, ordonna-t-il en espagnol. Ensuite, on va récupérer le dénommé « Scrape ».
25
Je n’arrivai pas le premier.
Et à en juger par le nombre de rampes lumineuses et de gyrophares qui m’accueillirent quand je quittai El Cajon pour tourner dans la rue, nous étions tous arrivés trop tard.
Deux voitures-radio et plusieurs véhicules banalisés étaient déjà disséminés devant le garage, sans compter une autre voiture blanc et noir et une ambulance. Deux agents s’efforçaient d’entourer les lieux d’un ruban jaune tout en repoussant une foule croissante de curieux.
Je garai ma LaCrosse aussi près que je pus et fis le reste à pied, montrai ma carte à l’un des policiers qui s’approchaient pour me bloquer le passage. Je trouvai Villaverde de l’autre côté de la cour du garage, devant ce qui devait être l’entrée du club-house, discutant avec des gars du shérif et deux mécanos en combinaison bleue. Il se détacha du groupe et se dirigea vers moi.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? demandai-je.
— Viens, répondit-il simplement en passant devant moi.
Désignant du pouce un des mécaniciens, il ajouta :
— Un des aspirants les a découverts et a appelé. C’est pas joli à voir.
Les « aspirants » étaient des gars qui, à force de traîner autour du club, en étaient devenus membres potentiels. Ils étaient en période d’essai et n’avaient pas encore gagné leur insigne.
David me fit franchir une porte latérale pour pénétrer dans le club-house.
L’abattoir, plutôt.
Je dénombrai six cadavres gisant çà et là dans la grande salle. Cinq d’entre eux figés dans une mise en scène grotesque de la mort. Du travail de pro : une ou deux balles dans la poitrine, une de plus entre les yeux pour les achever.
Le sixième, c’était autre chose.
Un colosse avec de longs cheveux gras et un bouc broussailleux, allongé sur le dos au milieu de la pièce. Comme les autres, il portait une veste en denim aux manches coupées et avait pris une balle dans la tête. Mais on lui avait tranché plusieurs doigts que je repérai, éparpillés sur le sol, comme des mégots de cigarette. Ce qui attirait l’attention, cependant, c’était son entrejambe. On lui avait baissé son slip et coupé le sexe. Il ne restait qu’une plaie innommable au-dessus d’une flaque de sang qui avait coulé entre ses jambes, jusqu’à ses pieds.
Mes entrailles se tordirent et je ne cherchai pas des yeux où se trouvait maintenant la partie manquante du corps. Je me tournai vers Villaverde.
Il me rendit un regard qui reflétait mes pensées.
Un nouveau joueur était entré dans la partie.
Et il fallait requalifier l’affaire à un tout autre niveau.
Après avoir laissé une seconde à mes tripes pour se remettre, je demandai :
— Les gars du garage ont vu quelque chose ?
David haussa les épaules.
— Le type qui a prévenu la police a vu une voiture s’éloigner. Un 4 × 4 noir aux vitres teintées. Un gros engin, comme un Escalade, mais il ne pense pas que c’était un Cadillac.
Il marqua une pause et reprit :
— Il y a autre chose qu’il faut que tu voies…
Mes yeux inspectèrent la salle pendant qu’il me la faisait traverser. Sur le mur de gauche, derrière un canapé en cuir, j’avisai un poster de l’insigne du club, celui qui était tatoué sur l’épaule de la Torche. Il y avait un bar, un piano droit et, plus loin, une sorte de salle de réunion avec, curieusement, une rangée de battes de base-ball accrochées à
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