L’élixir du diable
non non non…
Elle vacilla et j’eus l’impression que ses jambes allaient se dérober sous elle. Je me précipitai pour l’aider, suivi de Villaverde.
En la rejoignant, je m’arrangeai pour me placer entre elle et le cadavre du motard.
— Madame, vous ne devriez pas être ici. Je vous en prie, dis-je en posant les mains sur ses épaules.
— J… je… bredouilla-t-elle.
Elle se tut, les larmes ruisselant à présent sur ses joues. Puis la voix lui revint, pleine de rage.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qu’ils lui ont fait ?
Je la tins un moment contre moi pour lui laisser le temps de se calmer et de reprendre sa respiration.
— Allons là-bas, suggérai-je en la dirigeant vers la salle de réunion.
Je fis de mon mieux pour rester entre elle et le motard mutilé mais je ne pus l’empêcher d’apercevoir deux des autres cadavres et elle tressaillit au passage. Je la fis asseoir sur une chaise, le dos tourné à la salle principale, lui proposai un verre d’eau. Je ne sais pas pourquoi on fait toujours ça, comme si l’eau avait un pouvoir magique permettant aux gens d’effacer les événements les plus traumatisants. Encore sous le choc, elle acquiesça de la tête. Villaverde alla chercher de l’eau au bar.
Il fallait que j’opère en douceur mais il fallait aussi parvenir à lui soutirer rapidement quelque chose d’utile. Je croyais entendre tictaquer une horloge : le temps jouait contre Scrape. Et contre nous. Elle me dit qu’elle s’appelait Karen, qu’elle était la femme de Wook – Eli Walker –, le président du club. L’un des jeunes l’avait appelée dès qu’il avait vu le carnage et elle s’était précipitée ici.
Je tâchai de répondre à ses questions en demeurant dans les limites de ce que je pouvais lui révéler, mais bientôt je dus en venir à ce que nous avions besoin de savoir :
— Il faut qu’on trouve Scrape, lui déclarai-je.
Elle me regarda, déroutée, comme si je m’étais soudain mis à parler du temps qu’il ferait la semaine prochaine.
— Pourquoi ?
— Il est blessé et je pense que les tueurs le recherchent. Si nous ne le retrouvons pas avant eux, il sera bientôt mort, lui aussi.
Elle me regarda nerveusement.
— Blessé ?
— Il a reçu une balle.
Je la laissai enregistrer l’information avant de reprendre :
— Vous savez comment le joindre ? Vous avez le numéro de son portable ?
Elle détourna les yeux et battit des cils.
— Ne vous inquiétez pas, la rassurai-je. Il ne s’agit de rien d’autre que de garder Scrape en vie. J’ai vraiment besoin de savoir comment le joindre.
Elle hésita, secoua la tête.
— J’ai pas son numéro. De toute façon, s’il était en train de faire quelque chose pour le club, ajouta-t-elle avec un regard sous-entendant clairement une activité illégale, il n’aurait pas pris son portable. Il aurait acheté un appareil à carte prépayée.
Je me tournai vers Villaverde.
— On a trouvé un téléphone sur Walker ?
— Non.
Je sentais le temps fuir, comme si nous nous tenions sur un sablier géant dont le sable s’écoulerait sous nos pieds.
— Et une planque où il pourrait attendre qu’on vienne l’aider ? Ou un docteur avec qui le club aurait l’habitude de travailler ? La maison de quelqu’un ? Une copine ?
Elle secoua de nouveau la tête, nerveusement.
— S’il vous plaît, Karen, insistai-je avec douceur. Il faut qu’on le retrouve.
— On connaît un docteur à Saint Jude qui pose pas trop de questions, mais Scrape n’irait pas là-bas avec une blessure par balle.
— Où, alors ?
Elle me regarda en plissant les yeux, comme si la réponse que je cherchais demandait un effort physique.
— La Grotte, lâcha-t-elle enfin.
26
— Je l’ai. Suspect appréhendé. Je répète, suspect appréhendé.
Todd Fugate, shérif adjoint du poste de San Marcos et membre de sa brigade des gangs et des stupéfiants, était tout heureux d’annoncer la nouvelle par radio. L’appel avait été lancé par le bureau de San Diego et c’était une requête prioritaire du FBI, ce qui n’arrivait pas tous les jours à San Marcos. Fugate quittait le centre commercial de Grand Plaza quand il l’avait reçu et il s’était tout de suite mis en route. L’endroit visé, un ensemble d’entrepôts délabrés nichés derrière La Mirada, et connu sous le nom de « la Grotte », se trouvait à moins de huit kilomètres du boulevard bordé d’arbres. Sachant qu’il
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