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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Barbin, et probablement des deux, la première
l’inspirant, et le second donnant forme à cette inspiration.
    — Sire, lui dit-elle, vous avez passé quinze ans de
quelques mois déjà, vous êtes grand maintenant, et pourvu des qualités
nécessaires pour régner avec bonheur. Et de mon côté, je ne voudrais pas que
vous puissiez croire que je suis possédée d’un désir démesuré de continuer à
gouverner l’État. D’ailleurs, je n’y ai pas été portée par ambition
particulière, mais uniquement pour le bien de votre service.
    Ici elle se tut comme pour inviter son fils à commenter son propos
ou à lui adresser des remerciements. Mais il ne fit ni l’un ni l’autre. Il se
contenta de s’incliner.
    — En bref, Sire, reprit-elle, je désire me décharger du
soin de vos affaires et je vous supplie d’avoir pour agréable de prendre jour
pour aller avec moi devant le Parlement à qui je compte faire part de mon désir
de vous en laisser désormais la conduite.
    Et que diantre, m’apensai-je, vient faire ici le
Parlement ? Louis est le roi. Il est majeur. Si la proposition est
sincère, il n’est pour Marie que de se retirer et de laisser Louis recouvrer
ses droits.
    La reine-mère fit de nouveau une pause, et de nouveau le roi
ne pipa mot. Tous les yeux des présents, et pas seulement ceux de sa mère,
étaient fixés sur son visage, et son visage ne reflétait rien.
    — Sans doute trouvez-vous, Sire, reprit-elle, que par
le passé on n’a pas toujours conduit les choses aussi heureusement qu’il eût
été souhaitable. Néanmoins, j’ai fait tout ce que j’ai pu et tout ce que j’ai
dû pour affermir votre couronne. Et il me fâche qu’après tant de preuves que
j’ai données de ma passion pour le bien de l’État, je me doive défendre contre
des calomnies secrètes.
    Oui-da ! m’apensai-je, c’était assurément pour le bien
de l’État qu’elle venait de donner quatre cent cinquante mille livres à
Conchine pour reconstruire sa maison, et c’était sans doute une calomnie que de
dire le contraire, ou même de le penser, auquel cas ladite calomnie devenait
« secrète ».
    À cette accusation, qui visait son entourage et en
particulier Monsieur de Luynes, Louis sentit bien qu’il devait répondre et en
même temps répondre sur le fond, ce qu’il fit en peu de mots, comme à son
ordinaire.
    — Madame, dit-il, personne ne m’a jamais parlé de vous
en termes disconvenables à votre dignité.
    Là-dessus, il fit à la reine un nouveau salut et reprit sur
le ton du plus grand respect, dans lequel, ou sous lequel, il me sembla
discerner de la froideur, sinon même quelque dérision.
    — Quant à votre proposition, Madame, elle vous honore
grandement, mais étant très satisfait de votre administration, il ne me
convient pas, quelque instance que vous puissiez faire, que vous quittiez le
gouvernement de mes affaires.
    La reine-mère avait tout lieu d’être contente de cette
réponse, puisqu’elle comblait ses vœux. Toutefois, à bien examiner sa
physionomie lourde et revêche, il me parut qu’elle ne l’était qu’à demi. Car
elle avait plaidé le faux pour savoir le vrai, et la réponse que son fils lui
avait donnée était trop belle pour n’être pas fausse. Comment pouvait-elle
douter, après avoir vu le Ballet de la Délivrance de Renaud, que le roi
n’aspirât de toutes ses forces à régner ?
    Par malheur, il n’était pas écrit dans le rollet de la reine
d’avoir avec Louis une explication à la franche marguerite, laquelle, pour être
sincère, aurait soulevé de prime la question du rôle exorbitant de Conchine
dans l’État. Ayant débuté l’entretien par une proposition d’une hypocrisie
outrée, Marie ne pouvait que poursuivre dans la même note, abondant pour la
bonne bouche en promesses et en caresses, qui avaient pour but d’endormir Louis
et d’amadouer son favori.
    — Sire, reprit-elle, si vous désirez que je continue
mon gouvernement, il faudra à l’avenir partager avec moi les fonctions de ma
charge. J’en prendrai la peine. Je vous en laisserai la gloire. Je me chargerai
des refus. Je vous laisserai les grâces. (Cette belle rhétorique était de
Barbin : la reine en était bien incapable.) Je vous laisserai aussi le
soin de disposer comme vous l’entendrez des charges qui viendraient à vaquer.
Si entre autres vous désirez récompenser les soins de Monsieur de Luynes par de
nouveaux bienfaits, vous n’aurez qu’à

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