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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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les faits entrait dans ses attributions royales. C’est à Monsieur de
Luynes, c’est-à-dire à la personne qui lui était le plus proche, qu’il confia
le rôle de Renaud, comme pour bien marquer la part personnelle qu’il prenait à
la délivrance du chevalier ensorcelé. Luynes, pour ainsi parler, le
représentait dans le rôle de Renaud.
    Pour la première fois depuis qu’elle vivait à Paris, fort
retirée comme je l’ai dit, Madame de Lichtenberg ne put qu’elle ne ressentît
quelque regret de sa résolution de ne jamais mettre le pied à la Cour. Car elle
eût fort aimé, à ce qu’il me sembla, assister au Ballet de la Délivrance de
Renaud, tant elle me posait questions sur lui au cours de nos entretiens de
derrière les courtines.
    — Mais mon Pierre, me dit-elle dans un de nos bec à
bec, vous me dites que dans la première scène, le roi et douze de ses seigneurs
apparaissent, descendant d’une montagne, déguisés en démons, qui du feu, comme
le roi, qui des eaux, de l’air, des vents, du jeu, de la chasse, de la guerre,
etc. Sont-ce des diables de l’enfer que ces démons-là ?
    — Point du tout, m’amie, mais des esprits, incarnant
soit les forces de la nature, soit les occupations habituelles des gentilshommes.
Et ils dansent, entendez par là qu’ils sont actifs, tandis qu’au pied de la
montagne, Renaud, prisonnier des sortilèges de la belle Armide, dort
profondément.
    — Mais, mon Pierre, ce n’est pas un péché de dormir.
Nous-mêmes, me semble-t-il…
    — Mais ce n’est pas du tout la même chose ! dis-je
en riant. Ce sommeil de Renaud symbolise son enlisement dans l’oisiveté, alors
qu’il devrait être à la tête des croisés pour libérer Jérusalem. De reste, à la
scène suivante, la chose devient claire. De prime, la montagne disparaît pour
laisser place au jardin enchanté d’Armide.
    — Comment disparaît-elle ?
    — Par une scène tournante, et le jardin enchanté qui
apparaît ensuite est fort beau ; trois jets d’eau y jaillissent, retombant
dans des bassins entourés de fleurs, et deux soldats sont là, habillés à
l’antique, et chacun d’eux portant une baguette et un écu.
    — Un écu seulement ?
    — Il ne s’agit pas d’une monnaie, m’amie, mais d’un
bouclier, et un bouclier de cristal. Quant à la baguette, elle est là, j’imagine,
pour lutter contre la baguette ensorcelante d’Armide. Tout soudain, comme les
deux soldats se promènent sur scène, une nymphe d’une beauté éclatante surgit
d’un des bassins.
    — Une nymphe ? Ne serait-ce pas plutôt une naïade,
puisqu’elle sort de l’eau ? Et comment savez-vous qu’elle est d’une beauté
éclatante, mon Pierre ? L’avez-vous approchée ?
    — De grâce, Madame, retenez vos petites griffes. Cette
nymphe est jouée par un homme. Armide aussi, d’ailleurs.
    — Eh quoi ! Les dames ne dansent-elles donc jamais
en vos ballets ?
    — Si fait ! Mais dans des ballets tout à plein
féminins, comme le Ballet des Nymphes de Diane, qui fut si fatal à notre
Henri. L’Église sourcillerait, si on mêlait les sexes.
    — L’Église est-elle davantage rassurée quand un homme joue
le rôle d’une femme ? L’Église, ce me semble, est naïve. Et que vient
faire cette nymphe mouillée, mon Pierre ?
    — Séduire les deux soldats. Mais elle n’y parvient pas.
Ils sont protégés là-contre, peut-être par leur baguette.
    — Voilà qui est étonnant ! dit ma Gräfin en
riant.
    — Exit donc la nymphe, poursuivis-je, laquelle est
remplacée par des monstres qui envahissent la scène. Ils sont moitié hommes,
moitié bêtes. Pour exemple, on trouve parmi eux une chambrière qui est jeune et
mise à la mode qui trotte ; mais hélas, elle a une tête de guenon et des
bras velus !
    — Voilà qui est bien fait pour elle ! dit Madame
de Lichtenberg qui sourcillait au seul nom de chambrière, gardant quelque
mauvaise dent à Toinon et Louison. Et quel rôle jouent ces monstres, mon
Pierre ?
    — Armide les a suscités pour effrayer les soldats. Mais
là aussi, elle échoue. Les soldats demeurent impavides. Exeunt les
monstres. Et à la parfin, Renaud se réveille. Il est couronné de fleurs et paré
de riches pierreries. Il se lève et danse et chante le triomphe de l’amour.
    — Et il a bien raison, dit ma Gräfin.
    —  Il aurait raison, m’amie, si la chrétienté
n’attendait pas de lui qu’il libérât Jérusalem ! Et ici nous avons ce

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